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Intermittence : quelles sont les activités parallèles compatibles ?

Par Thomas Corlin | Le | Rh, formation, intermittence

Tentés par la diversification de leurs activités pendant la pandémie, les musiciens intermittents se sont parfois heurtés à des incompatibilités entre leur statut et des rémunérations facturées. Philippe de la SNAM-CGT relate certains litiges et Pierre-Marie Wudarski, de la société d'édition musicale Cézame, fournit un exemple fructueux.

La production destinée à l'édition musicale peut être rémunérée en cachet. - © D.R.
La production destinée à l'édition musicale peut être rémunérée en cachet. - © D.R.

À quel titre les sources de revenus annexes sont-elles incompatibles avec le statut d’intermittent ? 

Plus que la multiplication des sources de revenus, c’est le fait de ne plus être en recherche d’emploi qui justifie cette incompatibilité. L’intermittence est une assurance chômage, or monter une auto-entreprise, micro-entreprise ou tout autre type d’activité vous assimile à un chef d’entreprise auprès de l’administration de Pôle Emploi, et donc à la tête d’une structure dont vous tirez, en théorie, des revenus. 

Le modèle de l’artiste-entrepreneur est souvent mis en valeur.

Dans la pratique, pourtant, de nombreuses sociétés de cette taille ne génèrent pratiquement pas de chiffre d’affaires. Être mandataire social d’une telle structure ne rapporte généralement rien. 

Jusqu’en 2014, il était possible de travailler jusqu'à 110 heures en restant au chômage. Cette règle a été suspendue, il ne s’agit désormais plus d’un plafond d’activité, mais d’une impossibilité de cumuler statut d’intermittent et activité « d’entrepreneur », même si celle-ci est, dans les faits, dérisoire. 

Dans quels cas les musiciens recourent-ils à ces formes d’activité ? 

Les SARL ou EURL sont fréquentes chez les musiciens souhaitant gérer eux-mêmes leur production. Le modèle de l’artiste-entrepreneur est souvent mis en valeur, notamment dans les formations de professionnalisation des artistes dispensées par certains organismes. Une certaine rhétorique a fait son chemin dans le circuit, selon laquelle les artistes qui n’avaient pas monté leur entreprise n’accédaient pas au succès, ce qui est quelque peu fallacieux. Rien n’indique que de lancer sa propre entreprise génère concerts et contrats. C’est à peu près la même logique que celle des sociétés de jeu de hasard, dont le slogan clame que « tous les gagnants ont tenté leur chance ». 

Ce cas de figure se présente-t-il fréquemment ? 

Beaucoup d’artistes ont accédé à l’intermittence sans avoir pris conscience de ce que cela excluait, et certains ont pris des risques. Des artistes ont diversifié leurs activités pendant la pandémie, mais nous n’avons pas d'éléments pour en connaître la mesure. 

Plusieurs litiges sont remontés peu à peu jusqu'à nous. Pôle Emploi effectue des contrôles et étudie certains dossiers plus que d’autres, à la recherche des véritables mandataires sociaux de certaines sociétés. Parfois, des intermittents ont mis des proches à la tête de structures dont ils bénéficiaient en réalité - les prête-noms les plus astucieux passent parfois à travers les gouttes. Dans d’autres cas, certains ont des parts dans une entreprise sans en être mandataire social - pourtant, ceux-ci peuvent être nourris par celle-ci, et ainsi entrer dans une forme d'économie.

Quelques exemples ont fait date : une personne inscrite au chômage en avait été exclue car élue présidente de l’association locale des Restos du Cœur. Dans un autre cas, une chanteuse avait monté une compagnie sur le modèle de ce qui se fait dans le théâtre, sous forme associative. Elle n'était pas présente dans l’organigramme de la structure mais elle en signait les chèques : elle a alors été considérée comme mandataire sociale, et plus comme artiste en recherche d’emploi. Ces cas sont rares, mais douloureux. 

L'édition musicale, cachet-compatible

Chez Cézame, éditeur musical indépendant, la production de contenus musicaux destinés à la librairie a connu une certaine expansion ces deux dernières années, d’après Pierre-Marie Wudarski, chargé du business développement. 

« Pendant la crise, de nombreux musiciens disposant de leur propre home-studio ont pu produire de la musique de librairie. Sur cette période, marques et agences ont cherché à communiquer à travers des spots rapides à réaliser, pour se manifester auprès de leurs clients. Ces spots n’ont pas fait appel à des synchronisations, les agences ont donc eu massivement recours à de la musique de librairie, la demande était donc forte. Nous avons connu une augmentation de notre chiffre d’affaire alors que le marché global avait chuté de 15 %.

Nous avons la capacité de rémunérer les musiciens selon leur situation. Nous pouvons tout simplement les payer en cachet d’intermittent au titre d’une session de studio, y compris s’ils sont compositeurs, et pas seulement interprètes - qu’importe, le fait qu’il s’agisse d’un travail de studio prime. Dans de nombreux cas aussi, nous achetons les masters ou leur proposons un forfait lorsqu’ils ont leur propre structure. »