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Culture et ruralité : comment Jaspir anime la vie culturelle des villages en Isère depuis 20 ans

Par Bertrand Dicale | Le | Diffusion, booking

Crée en 2002, Jaspir (Jeunesse Animation et Spectacles Pour Investir la Rue) est devenue une référence de l’activité culturelle en milieu rural. Directeur de l’association, Cédric Crémadès dresse le bilan de vingt années d’expérience à Saint-Jean-de-Bournay et dans les villages d’Isère.

Un dimanche à partager avec le spectacle « Rustine » de la compagnie L’Awantura. - © D.R.
Un dimanche à partager avec le spectacle « Rustine » de la compagnie L’Awantura. - © D.R.

Pourquoi avez-vous décidé de fonder l’association Jaspir ?

Notre stratégie est d’intégrer l’action culturelle dans un projet territorial.

Au début des années 2000, nous avons constaté que la commune de Saint-Jean-de-Bournay et ses villages voisins se trouvaient dans un désert culturel. Nous avons créé Jaspir comme solution à cette problématique avec la volonté d’initier les habitants de la région à la culture par l’organisation de spectacles dans les villages.

Quelles actions avez-vous mis en place pour répondre à la demande culturelle de votre région ?

Notre stratégie est d’intégrer l’action culturelle dans un projet territorial. Très tôt, nous avons décidé de travailler en partenariat avec la municipalité de Saint-Jean-de-Bournay et Bièvre Isère Communauté, regroupement de 50 communes. En partenariat avec les acteurs locaux et diverses compagnies d’artistes, nous organisons des spectacles et des ateliers culturels pour toucher un large public dans les villages. Nous agissons auprès de la jeunesse, notamment dans les quartiers populaires en zones prioritaires selon le dispositif politique de la ville. Dans les MJC, nous proposons de l’initiation au théâtre ou à la danse avec de la capoeira. Cette activité regroupe près de 200 participants par semaine.

En parallèle, nous travaillons dans les établissements scolaires où nous avons mis en place le projet ciné-concert. Sous l’encadrement de professionnels, collégiens et lycéens font l’apprentissage de la musique. À l’issue du travail d’éducation artistique mené par les intervenants, une représentation est organisée. Nous intervenons également auprès des personnes âgées, avec notre dispositif Prendre le soin de rire où des visites de clowns sont organisées dans des Ehpad. Au travers de l’ensemble de ces activités, notre objectif est de rendre la culture accessible au plus grand nombre par une action territoriale efficace.

Véronique Tuaillon, présentée lors de la Nuit du clown - © B. Dupuis
Véronique Tuaillon, présentée lors de la Nuit du clown - © B. Dupuis

Après vingt ans d’expérience, quel bilan faites-vous de l’activité culturelle en milieu rural ?

Au départ, nous nous sommes heurtés au rejet. La programmation que nous proposions était trop orientée sur de la nouveauté et sur des genres auxquels les populations rurales n’étaient pas habituées. Par exemple, nous proposions majoritairement du rock et de l’électro dans nos concerts. Cette expérience nous a rapidement appris à mieux réfléchir notre programmation. La difficulté en milieu rural est de faire face à un public qui n’est pas forcément initié à la pratique culturelle. Nous avons redéfini notre vision pour nous inscrire dans le long terme. L’objectif est d’éviter l’élitisme par une programmation diversifiée pour capter l’ensemble du territoire et de la population. Au quotidien, il y a un travail à effectuer pour aller chercher des nouveaux publics. La solution pour atteindre cet objectif est une programmation équilibrée.

Animer la vie culturelle en milieu rural passe aussi par le développement des artistes locaux.

Au cours de ces vingt ans, nous nous sommes rendu compte qu’animer la vie culturelle en milieu rural passe aussi par le développement des artistes locaux sur trois axes : accompagnement, visibilité et formation. C’est dans cette démarche que nous avons créé Jaspir Production en 2006 pour aider les artistes à produire leurs œuvres. Toujours en poursuivant cet objectif, nous avons construit en 2011 la Fabrique Jaspir, qui dispose d’un studio de répétition. Chaque année, elle sélectionne six compagnies pour des résidences d’artistes et une aide au développement. En parallèle, la Fabrique organise également quatre expositions par an de photo et de peinture. Ces expositions ont lieu dans l’établissement et dans les médiathèques partenaires de Bièvre Isère Communauté. Aujourd’hui, la Fabrique dispose d’un centre de formation artistique agréé par le label de l’État Qualiopi. Deux cents stagiaires sont inscrits et la formation se développe autour de quatre axes : la figure du clown, l’art en espace public, la musique et l’éducation populaire. 

Quel est votre plus grande réussite ?

Notre plus grande réussite est d’avoir renforcé le lien social au sein de la population. En milieu rural, la culture ne doit pas seulement être vécue comme une représentation artistique mais elle doit être pensée comme un évènement convivial capable de rassembler la population. Nous avons relevé le défi de rendre la culture accessible de façon intergénérationnelle. L’âge de nos bénévoles s’étale de 12 à 70 ans.

Jaspir en quelques dates

2002 Accompagné de quatre amis, Cédric Crémadès lance Jaspir (Jeunesse Animation et Spectacles Pour Investir la Rue)

2006 Création de Jaspir Production, spécialisé dans l’organisation de spectacle, de tournée d’artistes et la production d’albums.

2011 Mise en place de la Fabrique Jaspir, lieu d’échange, de création artistique et de formation

2015 Lancement du Label 440 pour renforcer Jaspir Production et accompagner les artistes émergents dans leur développement

2022 Jaspir est un pilier de l’activité culturelle en Isère. L’association compte 80 bénévoles, avec un conseil d’administration de 20 membres, 20 salariés permanents, 50 salariés en équivalent temps plein et près de 650 adhérents aux différents projets associatifs.