Production

Montreuil : reprise satisfaisante mais automne prudent aux Instants Chavirés

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

Consacré aux avant-gardes sonores, le lieu associatif les Instants Chavirés (Montreuil, Seine-Saint-Denis) a jonglé pendant l’été entre programmation hors les murs et expériences de médiation, avant de rouvrir pour une programmation plus légère que d’habitude. Son programmateur Jean-François Pichard reste prudent sur les mois à venir.

La salle des Instants Chavirés peut accueillir jusqu’à 120 personnes. - © D.R.
La salle des Instants Chavirés peut accueillir jusqu’à 120 personnes. - © D.R.

Comment un secteur « niche » comme celui des musiques expérimentales a-t-il traversé la crise ? 

C’est encore difficile à dire, et je ne peux en juger qu’à une échelle individuelle et presque anecdotique. Les choses ont repris, même si quelques artistes ont profité de la crise pour se retirer du circuit et se consacrer à des projets non-musicaux. Les tournées internationales sont particulièrement difficiles à mettre en place, ce qui sur-sollicite les artistes français - et tant mieux pour eux.

Les Américains et les Japonais ne tournent plus en Europe pour l’instant, les Britanniques ont aussi du mal à cause du Brexit, et un projet suédois impliquant treize artistes, programmé sur trois jours en janvier vient de s’annuler. C’est parfois dû aux restrictions de déplacement, aux visas, aux économies particulièrement fragiles de notre secteur, mais aussi, tout simplement, à la crainte qu’ont certains étrangers d’être contaminés. 

Votre public a-t-il été au rendez-vous à la rentrée ? 

Je travaille ma programmation à tâtons jusqu’à nouvel ordre.

Oui, c’est un public passionné, il est revenu. Nous relevons seulement, sur un noyau d’une cinquantaine de réguliers que nous reconnaissons de longue date, quelques absents - ils ont peut-être quitté la ville depuis la pandémie. En revanche, le rajeunissement du public se confirme, nous voyons de plus en plus de personnes dans la vingtaine à nos concerts. 

Seulement, tout a repris en abondance, d’un coup, et cette multiplicité de propositions, après un an et demi d’arrêt, a créé des déséquilibres sur certaines dates. Ce problème existait déjà avant la crise, mais il a créé des cas complexes, côté fréquentation cette fois-ci. 

Normalement, je programme huit à dix événements par mois, mais je me suis restreint à cinq ou six pour l’instant. Nous avons quand même enregistré quelques dates pleines, avec des jauges à 75 ou 100 %. Je confirme les dates sur deux ou trois mois maximum, je fonctionne à tâtons. 

Économiquement, comment une structure comme la vôtre a-t-elle résisté ?

Nous sommes une association soutenue entre autres par la ville et le conseil départemental, qui emploie quatre salariés et demi. Pour être franc, nous avons été correctement accompagnés, à la fois par le Centre National de la Musique, par le plan de relance de la DRAC et par la subvention de l’Été Culturel. Nos subventions fixes n’ont pas été remises en cause non plus. 

Les questions de seuil de rentabilité, mis à mal par les limitations de jauge, ne nous ont pas plus perturbé que d’habitude. Bien des dates sold out chez nous se font malgré tout à perte - nous ne pouvons accueillir que 120 personnes dans le lieu en jauge pleine. Nous ne vivons pas de nos recettes propres, et nous auto-finançons seulement à 25 %. 

Mohamed Lamouri au Théâtre Berthelot à Montreuil, programmé par les Instants Chavirés. - © D.R.
Mohamed Lamouri au Théâtre Berthelot à Montreuil, programmé par les Instants Chavirés. - © D.R.

Quelles activités avez-vous pu maintenir avant cette rentrée ?

Des partenariats déjà engagés par le passé se sont davantage développés, avec le Nouveau Théâtre de Montreuil, le Théâtre Berthelot, la Parole Errante, le Théâtre Thénardier ou la Marbrerie.

Nous avons pu débloquer des fonds pour mettre en place des systèmes de résidence donnant lieu à des concerts radio, payés en cachets d’artistes, grâce à l’aide à la diffusion alternative du CNM. Puis, lors de la réouverture, la limitation de jauge nous réduisant à une capacité de 30 personnes, nous n’avons presque pas utilisé notre espace (à l’exception de quelques sorties de résidence) et privilégié des collaborations avec d’autres lieux de la ville pour bénéficier de meilleures capacités d’accueil. Une solidarité réjouissante s’est mise en place et des partenariats déjà engagés par le passé se sont davantage développés - avec le Nouveau Théâtre de Montreuil, le Théâtre Berthelot, la Parole Errante, le Théâtre Thénardier ou la Marbrerie.

Une des expériences les plus enrichissantes de la crise est celle de Montreuil Point d’Écoute, dans le cadre de l’Été Culturel d’Île-de-France, à destination des publics dits éloignés. Pendant les étés 2020 et 2021, nous avons programmé des mini-concerts solo gratuits, pour cinq à quinze personnes. Cela s’est fait en relai avec des lieux situés au cœur des quartiers populaires du Haut Montreuil, le studio Boissière ou la Ruffinerie. J’ai pu mobiliser quelques artistes français disponibles pour l’occasion et la richesse de la rencontre a dépassé toutes nos attentes.