Production

Expositions : le Musée Subaquatique de Marseille enfin accessible au public

Par Thomas Corlin | Le | Éco-responsabilité

Après maints rebondissements depuis 2017, les statues sous-marines du Musée Subaquatique de Marseille (Bouches-du-Rhône) ont enfin été immergées et connaîtront leur premier été en accès libre au public (à condition de savoir nager et d'être masqué). Son créateur Antony Lacanaud détaille les conditions de création de ce projet, d’un genre encore rare en Europe.

Les « Néréides », sculptures d’Evelyne Galinski.  - © G.Ruoppolo/ Wallis.fr / MSM
Les « Néréides », sculptures d’Evelyne Galinski. - © G.Ruoppolo/ Wallis.fr / MSM

De quel désir est né le Musée Subaquatique et quelles en ont été les premières étapes ? 

Restaurateur à Marseille, j’ai déménagé quelques années au Brésil, avant de revenir avec l’idée de proposer un musée de ce type. En voyant les sculptures de l’artiste britannique Jason deCaires Taylor, il m’a semblé qu’une ville comme Marseille était idéale pour les accueillir. J’ai alors rencontré l’artiste sur l'île espagnole de Lanzarote et obtenu son accord. Des échanges se sont engagées avec la mairie de Marseille, qui était enthousiaste et souhaitait intégrer le projet à son programme « Capitale européenne du Sport » de 2017. 

Un premier dossier a été soumis, nécessitant de nombreuses autorisations, notamment pour l’occupation domaniale, et une autre de la police des eaux. Le cabinet d'études Otéis a également apporté son expertise. En fin de compte, cette première proposition a été rejetée : elle était à 400 mètres de la plage, ce qui présentait un risque d’essoufflement des nageurs, et à 15 mètres de profondeur, dans une zone qui pouvait être traversée par des engins à moteur. Face à ces difficultés juridiques et à des difficultés d’ordre financier, l’artiste a finalement choisi de travailler avec la Ville de Cannes (Alpes-Maritimes) qui a rapidement réuni les fonds nécessaires.

Comment s’est transformé le projet, et sur quels fonds ? 

Le budget est de 300 000 euros, dont 200 000 proviennent de la Ville et de la Région, et le reste de sources privées - à l’heure actuelle, nous sommes à la recherche de fonds complémentaires pour achever le projet. 

Il s’agit d’un récif artificiel ludique et pédagogique, donc conçu pour une médiation avec des publics scolaires.

Après cette première péripétie, et le désistement de l’artiste d’origine, nous avons fait appel à d’autres artistes. Il y a eu des échanges avec Bertrand Lavier, ainsi qu’avec Jan Fabre, qui était très enthousiaste et prêt à faire un effort sur ses prix, mais sa proposition était trop volumineuse. 

Nous avons alors repéré des artistes locaux, connectés à la mer, qui nous ont fait des propositions de sculptures figuratives, accessibles au grand public. Le type de béton utilisé a aussi été repensé : celui utilisé par Jason deCaires Taylor contient des fibres plastiques qui peuvent être nuisibles à l’environnement marin sur le long terme. Nous avons alors travaillé avec l’un des nouveaux artistes sur un béton à PH neutre, plus vertueux. 

Installation de la sculpture de Thierry Trivès - © G.Ruoppolo / wallis.fr
Installation de la sculpture de Thierry Trivès - © G.Ruoppolo / wallis.fr

Combien de sculptures constituent désormais le projet ?

Il y en a dix, dont neuf sont déjà installées depuis septembre 2020. La dernière contient une borne connectée, censée récolter des informations sur les fonds marins, sous la supervision de Centrale Marseille. Certaines sont des créations originales, d’autres des reproductions d'œuvres pré-existantes. La production nous incombe, de nouveaux moules ont parfois été nécessaires. L’entretien est aussi à nos frais : il s’agit de vérifier après chaque hiver que les socles n’ont pas bougé, ou que les sculptures n’ont pas été endommagées. Les artistes ont donné les droits de leurs travaux pour l’exposition sous-marine, mais pas pour les produits dérivés. 

Quel est l’emplacement final et quelle exploitation du site projetez-vous ?

Elles sont situées à 100 mètres de la plage des Catalans, à moins de cinq mètres de profondeur, dans une Zone Interdite aux Engins à Moteur (ZIEM). Chaque statue mesure environ deux mètres au maximum. Cet emplacement a nécessité une autorisation préfectorale, contestée par une association qui maintenait que le béton n'était pas aux normes, et que le dossier n’avait pas été bien traité par les services de l'État. Après consultation du Conseil d'État, l’arrêt préfectoral nous a été restitué et nous avons pu commencer l’immersion des sculptures. Il est à noté qu'à Cannes, les sculptures font trois mètres de hauteur, et que le Maire a obtenu qu’elles soient implantées à proximité d’herbes de Posidonie, alors qu'à Marseille nous avons dû respecter une distance de 20 mètres par rapport à cette même végétation.

Le projet est conçu comme un récif artificiel ludique et pédagogique, nous travaillons donc avec des établissements scolaires, ainsi qu’avec un club de plongée, le Grasm. Cette partie-là de la médiation est co-financée avec la Ville. D’autres types d’animation sont prévues, notamment avec des comités d’entreprise. Le lieu participera également au Congrès Mondial de la Nature en septembre prochain.