Production

Tiers lieux : à Guéret (Creuse), la Quincaillerie, fer de lance d’un réseau rural

Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition

Dans la Creuse, une radio associative a été à l’origine d’un tiers lieu pionnier sur son territoire, désormais déployé sur un espace de 1 000 m2 et géré avec l’agglomération. La Quincaillerie abrite désormais bureaux, ateliers, scène de diffusion et s’inscrit dans un réseau plus vaste de lieux jumeaux, d’après son coordinateur Baptise Ridoux.

Le lieu actuel de la Quincaillerie, dans un quartier prioritaire de la Ville. - © Quincaillerie
Le lieu actuel de la Quincaillerie, dans un quartier prioritaire de la Ville. - © Quincaillerie

Quelle a été la première étape de création de la Quincaillerie ? 

En 2012, pour les cinq ans d’une radio associative locale sur laquelle j’animais une émission, nous avons délocalisé ses locaux en plein centre ville de Guéret, souffrant alors d’une certaine désertification. Nous avions alors récupéré une boutique, que nous avions investie avec une ressourcerie locale. Des événements sur une semaine y ont pris place, avec des plateaux radio en live, une exposition de photos notamment, et le mobilier faisait office de showroom pour la ressourcerie. 

L’expérience éphémère a duré une semaine, l’espace est devenu un point de rencontre comme il n’en existait plus à Guéret. Le wifi en accès libre, le café associatif, les espaces de co-working, alors encore informels, ont attiré du public et les associations locales, ainsi que des techniciens des collectivités qui y passaient entre deux réunions. 

Comment le projet est-il monté en puissance et quelle a été l’intervention de la collectivité territoriale ? 

L’adjoint à la Culture de Guéret est alors devenu président de la communauté d’agglomération du Grand Guéret, où m’a été proposé un poste de technicien informatique, que j’ai refusé pour proposer un projet plus ambitieux. À cette époque, la mairie de Guéret à qui nous avions demandé un soutien privilégiait une vision commerçante du centre, et n’imaginait pas forcément y intégrer un projet associatif de ce type. 

Notre association 23D n’avait pas de lieu physique et se consacrait à la sensibilisation à l’impression 3D. À la lumière de cette première expérience de local public dans le centre ville, nous avons constitué un dossier pour imaginer un autre lieu centralisateur des pratiques numériques, mêlant éducation populaire, médias associatifs et autres. Nous imaginions une gestion en DSP permettant à notre association de piloter le projet et de s’établir en dur. À l’époque, je rencontre le Mouvement des Tilios (Tiers-Lieux Libre et Open Source) auprès de Yoann Duriaux et Antoine Burret, pionniers des tiers lieux en France, m’inspire d’autres expériences comme celle de la Coopérative Tiers-Lieux en Gironde ou du parcours artistique le Voyage à Nantes. Placer de l’art dans un territoire pour le faire gagner en attractivité fait écho.

Nous présentons ce projet en 2015, qui est accepté au conseil communautaire de l’agglomération du Grand Guéret. La question d’une récupération politique se pose nécessairement, et je soumets donc cette alliance à notre association, qui la valide. 

Quelle forme a pris le projet à partir de là ? 

Hall du bâtiment actuel de la quincaillerie. - © Quincaillerie
Hall du bâtiment actuel de la quincaillerie. - © Quincaillerie

La Quincaillerie est née en emménageant dans une ancienne quincaillerie en mars 2015, toujours dans le centre de Guéret. Celle-ci était louée par la collectivité, mon salaire était également pris en charge pour gérer le lieu. Il abritait un studio mobile de la radio, une fablab, des espaces conviviaux, du co-working, principalement gratuit (à l’exception de deux journalistes qui louaient un espace séparé, à raison de 100 € par mois). 

Le lieu avait aussi un aspect social et événementiel, où se croisaient les actifs du coin comme des individus en situation de précarité qui avaient l’habitude de traîner dans cette zone, et des réfugiés. Nous comptabilisions environ 550 visites sur la première semaine.

En 2020, la Quincaillerie a encore déménagé. Que contient-elle désormais ? 

La collectivité a racheté un ancien magasin sur l’avenue principale de Guéret, proche de la scène conventionnée, de la médiathèque intercommunale et d’un grand parking, en face du siège de l’Agglomération, en plein quartier prioritaire de la ville. Il s’agit de 1 000 m2, qui ont nécessité un investissement foncier de 1,7 M€ dont 1,2 de travaux. Le lieu fonctionne sur un budget de 260 000 € dont 40 000 € de recettes propres, et fait travailler 3,5 équivalents temps plein. Nous nous donnons désormais trois ans pour passer en SCIC.

La radio y a désormais de véritables studios, aux côtés d’un bar associatif et de bureaux loués à des associations ou à diverses structures (culturelles notamment) sur la logique d’un roulement pour laisser la possibilité à d’autres de bénéficier de ses loyers modiques - les baux sont de deux ans. Nous proposons des formules permettant, pour 75 € par an, de louer un espace, disposer en illimité de la salle de réunion et de domicilier sa structure chez nous, ou une autre formule avec les mêmes services ainsi que la programmation de deux événements par an sur notre scène.

L’espace comprend aussi une salle de concert d’une taille adaptée aux réalités du secteur. Auparavant, seuls un bar de 40 personnes et une salle des fêtes de 350 places étaient en capacité d’accueillir des concerts, dans des conditions techniques acrobatiques. Désormais, Guéret dispose donc d’une jauge de 90 assis et 200 debout, équipée techniquement, qui communique avec les autres espaces du lieu pour organiser des événements conviviaux. 

Dès 2015, d’autres communes se sont intéressées à l’initiative, et un réseau s’est crée, le Réseau Tela, qui réunit 12 adhérents dans la Creuse et accompagne cinq projets émergents.