Production

Prestataires : plus de travail mais moins de main d'œuvre

Par Thomas Corlin | Le | Matériel

Pénurie de ressources humaines, augmentation des coûts de l'énergie, énorme surplus d’activité par rapport à l’avant-crise : la reprise de la vie culturelle est délicate voire périlleuse pour les prestataires du secteur. Philippe Abergel du Synpase se félicite cependant qu’une abondante saison arrive.

Le secteur enregistre une hausse d’activité de 20 à 30 % par rapport à une année normale. - © D.R.
Le secteur enregistre une hausse d’activité de 20 à 30 % par rapport à une année normale. - © D.R.

Les prestataires ont-ils retrouvé leur activité d’avant-crise ?

Il y a même un excédent d’activité : la saison à venir représente 120 à 130 % d’une saison d’avant-crise.

Les carnets de commande se remplissent à nouveau pour cet été, et notre filière s’en réjouit. Les secteurs du spectacle et de l'événementiel ont tendance à rattraper le temps perdu, et la liste d’artistes en tournée est copieuse. De fait, il y a même un excédent d’activité : la saison à venir représente 120 à 130 % d’une saison d’avant-crise, c’est évidemment une bonne nouvelle, mais cela va engendrer des difficultés logistiques à tous les niveaux.

Comment ce surplus d’activité sera-t-il géré ?

Tout d’abord, une pénurie de matériel va inévitablement survenir. En septembre dernier, les fabricants de matériel, qui fournissent les entreprises de location, signalaient déjà des soucis d’approvisionnement, et incitaient à passer commande pour juin 2022, ce qui engendrait un investissement conséquent et un recours à la trésorerie que tous ne peuvent se permettre. Puis, la guerre en Ukraine s’est rajoutée à cela. Rallongements des délais et manque de matériaux sont donc à prévoir de ce côté-là.

15 % des salariés du secteur, permanents et intermittents confondus, ont changé de métier depuis la crise.

Ensuite, une pénurie de main-d'œuvre se fait grandement ressentir. 15 % des salariés du secteur, permanents et intermittents confondus, ont changé de métier depuis la crise. Cette hémorragie s’est entamée en 2020, et confirmée en 2021. Il s’agit pour la plupart de départs volontaires et non de licenciements économiques. Certains ont trouvé le temps long, perdu patience ou tout simplement perdu espoir en la suite. Par ailleurs, quand bien même des candidats se présenteraient, il n’est pas évident de former, par exemple, un sonorisateur en deux mois. 

Quelles sont les perspectives pour remédier à cette pénurie de personnel ?

Nos entreprises, et le syndicat lui-même, vont devoir s’appliquer à rendre nos métiers attractifs. Il faudra mener des actions, diversifier notre public cible, échanger avec des organismes de formation, lancer des campagnes de communication éventuellement - tout est envisagé. Jusque là, les compétences venaient à nous, désormais nous devons lancer un recrutement actif, d’autant que les entreprises doivent faire face à une demande plus abondante que d’habitude de la part de leurs clients. À l’heure actuelle, les annonces d’emploi récoltent peu de candidatures.

Les aides ont-elles finalement sauvé la filière, pourtant durement exposée à la crise ?

Le spectacle vivant sera directement affecté par la hausse du coût des énergies.

Courant 2020, le « quoiqu’il en coute » a mis du temps à s’enclencher pour les entreprises de notre secteur, comparé à d’autres. En 2021, les pertes n’ont pas été compensées par les aides, mais elles ont permis de préserver l'équilibre recettes/dépenses de cette année-là. Dans l’ensemble, elles ont très bien fonctionné et empêché des faillites. Ainsi, les entreprises qui ont voulu résister ont pu le faire (quelques-unes, cependant, ont jeté l'éponge), et nous n’enregistrons pas plus de défections d’entreprises que lors d’une année normale. Il est à noter que 80 % de nos membres ont contracté des PGE, ils seront donc durablement fragilisés par cette dette.

Malgré cela, l’arrêt des aides en janvier est un peu raide, et leur prolongation sur février et mars, des mois encore assez maigres, aurait été bienvenue. Désormais, ce sont les répercussions de la guerre en Ukraine qui posent de nouvelles difficultés, mais il ne s’agit plus d’une situation sectorielle, celle-ci affecte toute l'économie globale.

À ce titre, comment la hausse du coût de l'énergie impacte-t-elle l’activité des prestataires du spectacle ?

Il est bien délicat de répercuter les augmentions des tarifs sur les devis aux clients. Mais il est aussi impossible de maintenir un seuil de rentabilité sans augmenter les tarifs. Nos métiers reposent beaucoup sur les transports et les énergies, notamment pour les événements en plein air qui nécessitent une distribution d'électricité, ainsi le spectacle vivant sera directement affecté par la hausse du coût des énergies. 

Le Synpase, en bref

• Syndicat professionnel, créé en 1988

• Missions : représentation et défense des intérêts des prestataires de services de l’audiovisuel scénique et événementiel.

Le prestataire technique met à disposition de ses clients du matériel et le personnel chargé de la mettre en œuvre. En pratique il s’agit des entreprises titulaires du code NAF 9002Z : « Activités de soutien au spectacle vivant », et qui mettent en œuvre les techniques liées : au son, à la lumière, aux décors et accessoires, à la régie générale et spécialisée, etc.

• Présidente : Frédérica LEGEARD-LEMEE
• Vice-Président : Stanislas SURUN

• Trésorière : Laurence FAUCHER

• Secrétaire : Christian DESAIVRES