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Underscope, une plateforme pour fédérer et professionnaliser la scène électronique française

Par Thomas Corlin | Le | Droit d’auteur

Brice Coudert (ancien directeur artistique des soirées Concrete et de Dehors Brut) et David Bossan (de la structure d’édition District 6) développent une plateforme de promotion et de gestion des droits d’auteur dédiée aux musiques électroniques. Selon ses fondateurs, Underscope entend aider ce secteur ébranlé par la crise à se professionnaliser.

Une des premières playlists diffusées par Underscope, sélectionnée par la DJ Anetha. - © D.R.
Une des premières playlists diffusées par Underscope, sélectionnée par la DJ Anetha. - © D.R.

Comment se structure Underscope et qui soutient la plateforme ?

Brice Coudert  : Nous nous positionnons comme un projet à 360 degrés pour développer le secteur de la musique électronique française et professionnaliser l’underground de ces musiques en leur trouvant des sources de revenus. Plusieurs personnes travaillent pour nous, au community management par exemple, comme aux relations presse.

Underscope a d’abord un rôle de média, bien que nous ne proposions pas de contenu journalistique. Il s’agit de curation à travers des playlists, de mise en avant d’artistes, de labels, et de faire circuler autant que possible ces musiques sur les plateformes, les réseaux sociaux, d’être aussi présent et visible que possible. Nous voulons constituer une communauté d’amateurs à grande échelle comme d’autres musiques actuelles en disposent. 

L’objectif est de mettre tout le secteur sur le même drapeau, tout en suivant une ligne artistique claire.

Nous récupérons des revenus sur la partie édition et streaming, que nous investissons dans le développement de notre plateforme, elle-même hébergée par Believe. L’objectif est de mettre tout le secteur sous le même drapeau, tout en suivant une ligne artistique claire. La plateforme a été lancée début septembre, nous avons déjà signé 50 labels, et prévoyons d’en signer 50 autres d’ici la fin de l’année. Jusqu’ici en France, personne n’avait proposé quoique ce soit d’aussi structuré sur ces musiques-là. 

Depuis quelques années, la Sacem a engagé un travail pour comprendre et intégrer la scène électronique. Comment la plateforme Underscope participe-t-elle à cette démarche ?

David Bossan : Pendant longtemps, la majorité des labels du secteur produisaient de manière artisanale, les artistes ne déposaient pas leurs œuvres, les festivals ne savaient pas non plus comment répartir les droits. Je gère moi-même une structure d’édition, District 6, qui gère des gros artistes électroniques mainstream, et j’ai voulu appliquer ce savoir-faire à des musiques plus « niches » avec Brice Coudert, qui les connaît très bien. 

Underscope est un outil pour professionnaliser le secteur, et pour que l’argent généré par la scène revienne à la scène. Nous déposons les œuvres, les dates, nous procédons aux adhésions à des sociétés d’auteur. Cela ne génère pas forcément de gros revenus dans un premier temps, mais c’est déjà de l’huile dans la machine. 

David Bossan - © D.R.
David Bossan - © D.R.

Il y a beaucoup de pistes à exploiter. Nous voulons par exemple devenir la référence en terme de synchronisation dans les séries, les films, les pubs, l’événementiel, que les gens cherchant cette musique viennent nous consulter. La collecte des droits issus de la diffusion dans les DJ sets est une autre source de revenus. La Sacem a installé des boîtiers utilisant la technologie de DJ Monitor, dans les principaux clubs et festivals électro afin de déterminer les titres joués et cette technologie est toujours en cours d’affinage.  

Les labels investissent beaucoup mais n’ont pas de structure éditoriale. Nous éditons pour eux, et, une fois que l’auteur a perçu ses droits en provenance de la Sacem, nous reversons la moitié de la part éditoriale au label. Le calcul du reversement est différent selon les cas de figure, mais tourne autour de 25 %.

Logo d’Underscope - © D.R.
Logo d’Underscope - © D.R.

Brice Coudert : Nous avons un rôle éducatif à tenir sur ce sujet. La musique électronique est mal référencée sur les grandes plateformes de streaming alors qu’elle est très écoutée. Par exemple, il n’est pas possible de découvrir des musiques par label sur ces plateformes, alors que c’est souvent sur ce critère que la musique électronique circule. 

Nous avons un rôle éducatif à tenir sur ce sujet.

Dans les cinq ans qui viennent, une autre génération d’amateurs de musiques de niche aura grandi avec Spotify et Deezer, et l’écoutera par ces canaux. Un vrai marché va se dégager. Il ne s’agira même plus des plateformes déjà consacrées comme Soundcloud, Bandcamp ou autre. Il y a eu beaucoup d’incohérence dans le secteur : des labels étaient réticents à apparaître sur Spotify alors qu’ils étaient sur Youtube, qui rémunère mal l’exploitation des contenus. D’autres ne voulaient sortir que des vinyles, mais vendaient néanmoins en digital sur Bandcamp. Le milieu doit se demander s’il a les moyens de se priver de cette ouverture sur d’autres circuits. 

La crise affecte gravement les musiques actuelles. Qu’en est-il en particulier pour les musiques électroniques, très liées au business des clubs, tous fermés depuis mars dernier ? 

Brice Coudert  : C’est une catastrophe pour la scène. Autour de moi des artistes se réorientent, font des formations, voient l’avenir autrement. Beaucoup d’acteurs de la scène underground vont tout bonnement disparaître d’ici l’année prochaine et, de fait, moins de musique sera produite. Beaucoup de clubs s’endettent, certains capteront des aides de l’état, mais dans l’ensemble, le remboursement de ces prêts va mettre une pression énorme sur l’activité - quand celle-ci pourra enfin reprendre telle qu’on l’a connue. 

Brice Coudert - © Flavien Prioreau
Brice Coudert - © Flavien Prioreau

J’en viens néanmoins à croire que cette crise fera peut-être du bien au public, en ce qu’elle lui fait prendre conscience de l’intérêt du club, de la fête, et de l’écosystème qui se cache derrière. Il sortira peut-être de cette approche « consommatrice » du clubbing. Je n’ai en tout cas aucun doute qu’il reviendra facilement faire la fête si des propositions de qualité lui sont faites.

Underscope avait été pensé bien avant la crise sanitaire. La situation était déjà problématique, certains artistes avaient abandonné  l’idée d’être rémunérés autrement que par les cachets en clubs. La rentabilité des événements devenait impossible, il fallait les remplir à 140 % de la jauge pour espérer avoir un retour sur investissement. Le modèle n’était plus sain. Nous espérons qu’Underscope pourra participer à une relance sur des bases plus vertueuses.