DSP : qu’est-ce que ça change pour la Belle Électrique (Grenoble) de devenir une SCIC ?
Par Thomas Corlin | Le | Législation, réglementation
À Grenoble (Isère), la salle de concert La Belle Électrique change de mode de gestion : de Délégation de Service Public (DSP), elle devient une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), sous l’impulsion de la Ville. Motivations politiques, équilibre financier, missions, décisions collégiales : Frédéric Lapierre de l’association Mixlab qui gère le lieu depuis 2015 détaille ce nouveau mode de fonctionnement.
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Quelles sont les instances décisionnaires d’une SCIC ?
C’est un conseil coopératif qui remplacera le Conseil d’Administration de l’association. En son sein, trois collèges sont obligatoires : un de la Ville, un autre des salariés et enfin un collège des usagers et autres bénéficiaires du service. Nous y ajoutons deux autres : un réunissant des partenaires culturels (festivals, structures et pourquoi pas des prestataires comme notre brasseur attitré), et un dernier collège avec d’autres porteurs de projets associatifs comme Mixlab, qui reste à l’intérieur de la SCIC.
La programmation, la direction artistique et l’orientation du lieu restent aux mains de sa direction - le projet ne changera pas, c’est une salle de concert non-modulable de 1 000 places avec bar et restaurant, elle ne deviendra pas un studio de danse ou un cinéma. Les grandes orientations du lieu et les questions de responsabilité sociale des entreprises seront cependant abordées avec les usagers.
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Comment ce changement se traduira-t-il d’un point de vue économique ?
La Belle Électrique s’autofinançait à 80 %, en grande partie grâce aux privatisations, que la SCIC exclut désormais. Nous allons fonctionner avec un budget fixe et je bataillerai pour obtenir une augmentation des subventions de la Ville et de la DRAC. Nous visons par ailleurs toujours la label SMAC, qui n’est plus très fréquemment attribué à des DSP ces dernières années.
Nous créons donc une nouvelle société, ce qui implique de repartir de zéro financièrement, sans fond de roulement - et les banques ne prêtent pas pour ce type de projet. Nous serons soumis les premières années à une pression économique que nous n’avons plus connu depuis longtemps.
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Y aura-t-il un impact sur la programmation ?
A priori, notre public ne devrait pas trop remarquer ce basculement en SCIC de ce côté-là. La Belle Électrique pourrait davantage coproduire ou coréaliser des dates à l’avenir - c’était déjà le cas de 80 % de la programmation par le passé. Nous nous ouvrirons aussi à d’autres projets, notamment à de jeunes acteurs du territoire qui n’avaient pas forcément accès à cette salle, car en dehors du réseau « normalisé » avec lequel nous étions habitués à travailler.
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Quelles missions allez-vous développer en tant que SCIC ?
D’autres entités ont manifesté leur intérêt, comme S-Pass, filiale de Fimalac qui possède déjà des Zénith en région et de belles salles à Paris.
Principalement de l’accompagnement des pratiques et du développement d’artistes locaux, ce que nous avions déjà entrepris de faire avec une régie autonome de la Ville qui a hélas été liquidée depuis - l’idée étant alors de partager le label SMAC à deux. La SCIC met par ailleurs l’accent sur l’action culturelle et nous nous engagerons également à ce niveau-là.
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Pourquoi la Ville a-t-elle souhaité ce basculement de la DSP à une SCIC ?
Les DSP ne sont plus très bien vues auprès de la DRAC, du Ministère de la Culture ou de certaines collectivités. Mixlab a piloté la Belle Électrique depuis sa création en 2015, sous ce modèle-là. Les contrats durent cinq ans, une temporalité qui ne convient plus trop à ces missions. En 2020, pendant la crise, nous avons conclu un contrat d’intérim, une « convention d’occupation du domaine public », pour faire la jonction à l’issue de notre précédent contrat. La Ville a fait un appel d’offre au terme de cette période, ce qui a quelque peu chagriné notre association.
Nous avons été les seuls à finaliser notre candidature, mais d’autres entités ont manifesté leur intérêt, comme la structure de production S-Pass, filiale de Fimalac qui possède déjà des Zénith en région et de belles salles à Paris. Cette sollicitation d’un acteur privé a interrogé la Ville, qui a par la suite affirmé sa volonté politique d’abandonner la DSP, vue comme un « contrat de prestation » qui la séparait de l’équipement.
Par le passé, elle nous avait régulièrement interrogé sur notre activité de privatisation, exigeant de connaître les entreprises auxquelles nous louions l’espace, à tel point que nous avions dû rappeler qu’une fois nos missions remplies, nous étions libres d’exploiter l’espace pour en financer les activités. Désormais, la SCIC réinvestit la Ville dans le fonctionnement de la salle et nous réengage durablement sur le projet, la Mairie ayant pris le temps de réviser son jugement et de conclure qu’elle souhaitait une continuité dans la direction de la Belle Électrique.
Quelques autres lieux culturels fonctionnant en Société coopérative d’intérêt collectif
• Le 6Mic à Aix-en-Provence.
• Illusion & Macadam à Montpellier.
• Petit Bain à Paris.
• La Friche Belle de Mai à Marseille.