Production

Avignon Off : le bilan d’une édition moins difficile qu’on ne le craignait

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

Oui, le festival d’Avignon Off a eu lieu, et c’est déjà un triomphe en soi. Le directeur délégué de l'Association Avignon Festival et Compagnies, Nikson Pitaqaj, tire le bilan d’une édition finalement moins douloureuse et plus sereine que ce qui était attendu, malgré des difficultés financières à colmater.

Les ventes de tickets se révèlent être au dessus de la moyenne des années précédentes. - © D.R.
Les ventes de tickets se révèlent être au dessus de la moyenne des années précédentes. - © D.R.

Que penser des chiffres du Off 2021 ? 

Les détenteurs de cartes sont allés à beaucoup plus de spectacles que d’habitude.

Nous remarquons, forcément, une forte baisse des ventes de cartes du Off : 36 342 cette année contre 66 786 en 2019. En revanche, la baisse des ventes de places est moins importante, nous sommes même au-dessus de la moyenne des années précédentes - 75 695 cette année, environ 98 000 en 2019. Sachant que la programmation comptait environ un tiers de spectacles en moins, cela veut dire que les détenteurs de cartes sont allés à beaucoup plus de spectacles que d’habitude. Nous sommes également convaincus que ces chiffres auraient pu être bien meilleurs sans l’annonce du pass sanitaire le 12 juillet dernier, tout juste une semaine après le début du festival. 

De manière générale, les théâtres les plus identifiés et les compagnies les plus solides, qui marchaient déjà très bien lors des éditions passées, sont celles qui ont le moins souffert, voire ont vécu une édition quasi-normale. C’est donc, hélas, la création qui a été la plus affectée. Mais il faut souligner que le public a vraiment joué le jeu, et s’est montré digne et responsable en toutes circonstances. 

Quelle attitude a dominé le festival quant à l’application du pass ?

58 théâtres sur 109 étaient concernés par le dispositif. Parmi eux, beaucoup l’ont appliqué sans hésitation, et l’ont clairement annoncé pour que leur public ne soit pas pris au dépourvu. D’autres ont tenté plusieurs options, créant ainsi une confusion dans leur communication, qui leur a semble-t-il coûté cher. Ce sont ces lieux-là qui ont vécu le plus difficilement cette édition, d’après les premières conclusions. 

Quel est le bilan sanitaire de ce mois de juillet festivalier à Avignon ? 

Plus que jamais, les compagnies sont venues à Avignon par désir et engagement, et non par obligation.

Il est très positif. Après un mois de festival, le taux d’incidence est inférieur à celui d’une ville très touristique comme Nice. C’est particulièrement satisfaisant par rapport aux enjeux que représentent cette édition : nous avons investi des efforts sans précédent pour que le festival puisse se tenir, pris des risques considérables, et, même si cela a pu être très dur pour certains, nous avons prouvé au public et aux autorités qu’un événement culturel de cette ampleur pouvait se tenir sans générer de cluster lorsqu’il est organisé avec professionnalisme, ce qui était un de nos objectifs. 

Nous ne recensons que trois théâtres qui ont dû fermer pour raisons sanitaires - il ne s’agissait pas de fermetures anticipées par manque de public, mais de mesures de sécurité parce que des cas de Covid avaient été détectés. 

Sur initiative de la DGCA, un fonds de compensation sur la billetterie des journées concernées par le pass sanitaire a été mis en place, et il sera encadré par l’association du Off. Comment se déploie-t-il ? 

Une première commission a eu lieu le 3 août pour les cas les plus urgents, plus de 200 dossiers ont été reçus et visés. Une autre commission se tiendra le 9 septembre, avec une date limite de dépôt des dossiers le 7. Toutes les compagnies ne le demandent pas, beaucoup d’entre elles n’ont pas perdu d’argent, certaines ont même fait des bénéfices. 

Sur quel équilibre financier retombe l’Association Avignon Festival et Compagnies ? 

C’est très compliqué, inévitablement. Nous visons deux aides : la première est celle qui couvre la perte d’exploitation dans le cadre du budget voté en soutien aux festivals, nous y sommes éligibles. Ensuite, le Ministère de la Culture nous a fait savoir que, désormais, le Off comptait plus que jamais dans le paysage culturel, et que nous pourrions travailler ensemble pour le futur. Nous attendons donc de leur part un accompagnement. 

Sur un plan plus humain et moral, quelle impression gardez-vous de cette édition ? 

Même les compagnies et les lieux qui ont eu le plus de difficultés étaient malgré tout heureux d’avoir travaillé. Jusqu'à la fin, certains spectacles ont été pleins, et la morosité à laquelle on s’attendait n’a jamais dominé. Nous nous attendions à l'édition la plus angoissante possible et finalement ce fut la plus apaisante. Le fait qu’il y ait moins de créneaux a aussi créé une vraie fluidité, et la baisse de fréquentation, à la fois du public et des pro, a laissé plus d’espace et généré moins de stress, même s’il n’est pas vraiment possible de s’en réjouir. Je retiens en tout cas que les compagnies qui sont venues jouer l’ont fait par vrai désir, par engagement, et non pas juste parce qu’il fallait faire le Off pour diffuser et vendre.