Production

Électro : Allo Floride mesure sa reprise et vise l’expansion

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

Restructuration, temporisation sur les tournées : le tourneur et producteur électro pop Allo Floride négocie avec acuité sa reprise, avec près de 30 artistes sur les routes cet été. À quelques mois de fêter les 10 ans de la structure, Guillaume Benfeghoul, en booking, production et live, envisage davantage d’embauches et maintient un cap « volontaire et offensif » malgré les obstacles logistiques que rencontre le secteur.

Pedro Winter et Bob Sinclar, des artistes Allo Floride en tournée cet été.  - © Goledzinowski
Pedro Winter et Bob Sinclar, des artistes Allo Floride en tournée cet été. - © Goledzinowski

Comment ressentez-vous la pénurie de main d’œuvre technique dans le secteur ? 

De notre côté, cela semble moins dépendre d’une carence due à des départs dans la profession, que d’une surabondance de tournées - qui nous subjugue nous-mêmes dans notre quotidien et dans notre volume de travail. Par stratégie, j’ai fait tourner une grosse partie de notre catalogue pop-rock dès que cela était possible, dès les premiers déconfinements, pour éviter l’engorgement de l’été. J’ai ensuite mis à l’arrêt certains groupes pour quelques mois, à la fois pour réguler la scène mais aussi pour éviter de gérer plus d’artistes en même temps que je ne le peux - quand il n’y a plus de place, il faut l’accepter. Nous faisons actuellement tourner certains musiciens de plateaux sur quatre ou cinq projets en même temps. 

La plus grande difficulté a été de mettre sur la route de jeunes artistes, pour lesquels tout était à faire techniquement. Monter un set-up de A à Z, en dernière minute, pour défendre un album, a pu être assez douloureux. 

Comment vos effectifs en interne se portent-ils à l’issue de la pandémie ? 

Des musiciens de plateau tournent sur 4 ou 5 projets simultanément cet été.

Allo Floride embauche une vingtaine de personnes (en freelance ou en CDI), dont une dizaine sur le live. Nous avons connu deux départs sur des postes administratifs, assez tôt dans la pandémie. À la reprise, nous nous sommes séparés de deux autres postes qui s’avéraient moins urgents que d’autres, d’un commun accord. Nous réfléchissons désormais à étoffer de nouveau notre staff - en administration, en production - pour favoriser les projets en développement, et c’est le moment le plus délicat pour recruter à ces postes. 

Essuyez-vous des annulations cet été ? 

Oui, et elles ne sont pas dues au covid, ni à un déficit de fréquentation. Ce sont plutôt des événements climatiques qui nous ont mis à mal - canicule, tempêtes - et qui semblent devenir le nouveau défi des festivals en plein air. Ensuite, ce sont des obstacles logistiques qui ont compliqué des tournées : impossibilité d’acheminer du matériel, des artistes, par manque de tour bus et de connexions aériennes. 

La négociation avec les promoteurs a-t-elle changé ? 

Nous n’avons pas intérêt à gonfler les cachets outre mesure, par risque de voir certains événements disparaître. Les promoteurs sont des partenaires réguliers, il faut que la négociation se fasse dans l’intérêt de tous. Après, bien sûr, il y a un manque à gagner à rattraper chez les artistes, et il n’était pas possible de repartir sur des tarifs dégradés comme pendant les quelques concerts qui ont eu lieu en 2020 et 2021, contraints par des jauges réduites. 

Les surcoûts techniques modifient-ils vos manières de travailler ? 

Les breaks de nos tournées ont tous changé, pour diverses raisons, et nous ne pouvions pas toujours l’anticiper. Tout d’abord, les prévisions en terme de billetterie sont moins hautes qu’avant, et il nous arrive de faire des gestes envers des promoteurs qui n’ont pas vu leur public revenir à hauteur de ce qu’ils escomptaient. Maintenant, ce sont les bookings de dernière minute qui peuvent s’avérer risqués, ils nécessitent souvent des dépenses exorbitantes, surtout en transport et engendreront peut-être des pertes. 

Cet été de reprise s’annonce-t-il au final positif pour le secteur ? 

Nous ne le saurons qu’au moment des bilans. En ce qui nous concerne, nos artistes électro tournent très bien, nous avions d’ailleurs déjà profité de quelques fenêtres de tir très favorables pendant les quelques épisodes déconfinés de 2021 - nous avions notamment organisé un festival à Paris, Elektrik Park, qui avait fait le plein. De manière générale, nous restons volontaires et offensifs en terme de business, car il est devenu difficile de faire de la place pour tout le monde. 

La surenchère de live cet été pose néanmoins question, et laisse craindre des impayés en dernière ligne. Il y a eu un petit eldorado de fêtes l’an dernier, qui était contextuel et certains lieux éphémères de l’époque ont déjà disparu. Certains promoteurs de festivals auraient-ils vu trop gros en ajoutant par exemple une journée à leur édition pour surfer sur cette vague ? La rentrée nous le dira.