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Festivals : affluence en baisse mais prestation festivalière de qualité à la Route du Rock

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

Faute de tête d’affiche rassembleuse, la Route du Rock à Saint-Malo (17 au 20 août 2022, Ille-et-Villaine) accuse une baisse de fréquentation sérieuse mais pas dommageable. Son directeur François Floret tire cependant un bilan positif d’une édition 2022 pleine de nouveautés chaleureusement accueillies par le public présent.

Fat White Family ont remplacé une annulation à la Route du Rock. - © Nicolas Joubard
Fat White Family ont remplacé une annulation à la Route du Rock. - © Nicolas Joubard

Quelle a été la dynamique de billetterie de cette édition 2022 ?

Elle a été faible. Nous comptabilisons, sur les quatre jours (en incluant l’ouverture dans notre lieu Nouvelle Vague), 14 000 places payantes, là où nous en aurions attendu au moins 18 000, voire 20 000 pour être réellement dans nos frais. Par comparaison, en 2019, nous avions vendu 22 000 places, générant un petit bénéfice. Plusieurs éléments expliquent cette carence. Tout d’abord, nous avons dû renoncer cette année à une tête d’affiche. Celle-ci n’a pas confirmé sa présence, nous ne l’avons donc pas annoncée, mais avions fixé le prix du billet en conséquence. En mai, lorsque le groupe n’a pas confirmé son option, il était alors trop tard pour trouver un artiste de la même envergure, à moins de s’engager dans une course au cachet et se mettre en danger, ce que nous avons refusé. 

Ainsi, l’affiche nous a privé de tout un segment de spectateurs « volatiles », prêts à acheter un ticket de festival à condition qu’au moins un gros nom y joue. Le ticket s’est avéré trop cher pour ce public-là. Autre élément dommageable, King Gizzard, groupe très fédérateur, a dû annuler, ce qui a eu un impact immédiat sur nos ventes. Nous l’avons malgré tout remplacé par Fat White Family, groupe culte mais qui n’a pas le même poids en France. 

Ainsi, nous avons proposé une affiche de type « découverte » pour le grand public, au tarif d’une affiche avec un headliner. Juste avant, le festival No Logo, avec lequel nous mutualisons plusieurs ressources, a fait le plein, et une partie de ce public « volatile » a peut-être préféré sa proposition. Nous accusons de grosses pertes, mais par chance nous avons les réserves pour ne pas être en péril. Toutefois, il ne faut pas que ceci arrive à nouveau. 

La négociation avec les agents d’artistes a-t-elle été plus ardue qu’avant la crise, selon vous ? 

Même pas, je n’ai pas observé cette flambée des cachets dont beaucoup parlent. Selon moi, elle avait déjà eu lieu avant, même si elle est toujours sous-jacente, mais je ne crois pas que les prix aient atteint un nouveau palier. Également, ayant renoncé aux têtes d’affiche, nous n’avons eu à négocier que des tarifs qui nous semblent raisonnables. C’est surtout la hausse du coût de l'énergie qui a pesé sur nous, ne serait-ce que sur le tarif des navettes que nous mettons à dispositions pour certains concerts. 

Nous accusons de grosses pertes, mais par chance nous avons les réserves pour ne pas être en péril.

Quelle forme prend cette mutualisation des ressources avec No Logo ? 

Depuis 2017, No Logo et la Route du Rock ont décidé à la fois de minimiser les coûts et de limiter leur empreinte carbone. L'édition estivale de la Route du Rock et de No Logo partagent le même site (le Fort de Saint Père), à peu de temps d’intervalle. Ainsi, la scène (à laquelle nous ajoutons une seconde), les sanitaires, les bungalows, le parking, sont les mêmes pour les deux événements. Le 15 août, jour de « switch », ne sont installés que les équipements spécifiques à la Route du Rock. 

Cela vous a-t-il épargné certaines des difficultés logistiques rencontrées par toute la filière cet été ? 

Pas vraiment, d’autant que la mutualisation entraîne une certaine usure des techniciens. Certains n’ont pas accepté de travailler sur les deux événements d’affilée, d’autres, sur les rotules, ne sont pas revenus. Ainsi, le montage a été plus complexe, et le démontage encore davantage. 

Malgré cette faible affluence, cette édition reste-t-elle une expérience gratifiante ? 

Je prends beaucoup de plaisir à discuter avec le public pendant le festival, pour avoir des retours directs. Tous ont relevé que de grands efforts avaient été faits en termes d’organisation et de prestation. Nous avons augmenté le nombre de sanitaires pour éviter l’attente, installé un chapiteau avec des assises, le camping proposait une formule petit déjeuner abordable, et les afters, une première pour la Route du Rock, ont rencontré un vif succès. Le public a compris que nous avions été attentifs à ses remarques à travers les années, et que nous avions mis les moyens pour y répondre. Nous avons peut-être perdu de l’argent sur cette édition, mais gagné en image.