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Festivals d'été : comment Rock In Évreux anticipe-t-il une édition 2021 ?

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

Un festival de musiques actuelles en 5 000 places assises ? Rock In Évreux (Eure) tente le coup et devient Rock In Chair le temps d’une édition, qui se tiendra du 24 au 27 juin prochain. Son directeur Vincent Ficot détaille les prouesses logistiques et les incertitudes liées à l’organisation d’un festival dans ces conditions.

Le festival ne proposera cette année qu’une seule scène. - © D.R.
Le festival ne proposera cette année qu’une seule scène. - © D.R.
  • Prévoir son déficit

    « Le budget habituel du festival est de 2 millions d’euros, dont près d’un tiers de subventions. Puisque nous réduisons le festival cette année, il est réduit à 1,3 millions. Nous avons déjà eu une réunion avec la DRAC, dont le  »référent festivals«  nous a présenté les mécanismes d’aide à notre disposition - en plus de ceux du Centre National de la Musique. Un premier calcul (qui n’intègre aucune recette de restauration) a débouché sur un déficit de 250 000 euros, même une fois ces aides prises en compte. La circulaire de la DRAC à ce sujet stipule néanmoins qu’une étude au cas par cas sera menée pour rattraper les pertes des grosses structures - nous n’en sommes pas vraiment une, mais nous pourrions quand même y prétendre. »

  • Un placement qui conserve une visibilité pour tous

    « La jauge sera de 3 800 spectateurs, nous n’exploitons pas les 5 000 autorisés. Certes, le festival a lieu sur un vaste terrain longeant un hippodrome, mais nous ne voulons pas dépasser 140 mètres depuis la scène. La mairie a donc pris à sa charge 3 800  »chiliennes« , que nous disposerons sur 54 rangs de 90 places, en gardant un espace vide derrière la régie. Pour référence, le festival comptabilisait 15 000 spectateurs par soir en 2019, pour un total de 39 000 sur toute l'événement. »

  • Une logistique copieuse pour une configuration inédite

    Nous imaginons aussi une offre partenaire, puisque les événements professionnels sont tolérés.

    « Rock In Rock In Évreux est normalement un événement debout, d’où le changement de nom en Rock In Chair pour cette édition. La gestion du public dans de telles conditions est un métier en soi. Il lui sera donc demandé d’arriver 2 heures en avance pour garantir un placement fluide, les sièges seront numérotés. Sur nos 300 bénévoles (un tiers de plus que pour les éditions précédentes), nous prévoyons d’en consacrer 240 au guidage du public, avec une rotation - nous lançons une campagne de recrutement à ce sujet. Nous espérons que le public gardera en tête que tout ceci est très expérimental, que les festivals d'été seront très différents cette année, et qu’il saura rester citoyen en essayant de rester proche de son siège. »

  • D’autres pistes pour les sources de revenus ? 

    « Il a été envisagé de vendre un stream du festival, même si cela engendre bien sûr des frais de production - des aides existent cependant à cet effet. Nous imaginons aussi une offre partenaire, puisque les événements professionnels sont tolérés : un parking, une petite tente, un vestiaire, un placement privilégié, éventuellement une restauration si cela est possible. Tout ceci est à l'étude. »

Rock In Evreux en 2019 - © D.R.
Rock In Evreux en 2019 - © D.R.

  • Se calquer sur le protocole de réouverture des restaurants - s’il y a lieu

    « Nous avons été informés qu’un protocole de réouverture des restaurants était en cours d'élaboration. Ceux-ci pourraient d’abord servir à nouveau des petits déjeuners, puis des déjeuners, enfin des dîners, le tout sur des terrasses à jauge limitée. Si cela a lieu, les festivals pourraient également proposer une restauration sous une forme ou une autre. Il y a dans ce cas deux possibilités : celle d’un service mobile, pour que les gens restent assis, ou celle d’une file classique jusqu'à un stand, mais étalée pour respecter la distanciation - nous avons la place pour ça. 

  • Une programmation plus familiale

     »Ce n’est pas vraiment Rock In Chair, mais Pop In Chair. La ligne musicale du festival a été réorientée vers des artistes qui s'écoutent assis, et qui attirent un public un peu plus large, plus âgé aussi. Il n’y aura qu’une seule scène, mais nous ajoutons une soirée à cette édition. Il y aura donc quatre soirées de quatre concerts. Chaque soir joueront un artiste local, un artiste « médium » et deux têtes d’affiche. Nous envisageons des changements de plateau avec des DJs jouant des musiques plutôt planantes. Nous avons déjà signé les contrats pour quatre artistes, les autres devraient suivre. Autant dire que nous avons écarté l’idée de programmer Offspring, comme cela était prévu. Nous espérons dévoiler l’affiche le 22 avril prochain.« 

  • Une billetterie adaptée

    Une vente à l’aveugle, avant dévoilement de l’affiche, sera peut-être proposée.

     »Notre partenaire France Billet a dû créer une salle virtuelle adaptée à ce nouveau placement, afin que les clients puissent choisir leur siège. Une vente à l’aveugle, avant dévoilement de l’affiche, sera peut-être proposée, sans tarif promotionnel néanmoins, vu le business model très serré auquel nous sommes contraints.« 

  • Une  »chaîne de solidarité«  entre festivals pour un booking responsable

     »Le réseau musical fait tout pour essayer de monter des tournées viables avec les quelques organisations qui tentent de monter une édition dans ces conditions. Clairement, ces restrictions ne permettent pas de monter une tournée de deux dates, il en faut au moins une dizaine. Les structures de production sont très réactives, les échanges sont très fluides.« 

  • Des effectifs réduits, mais des loges élargies

     »Nous nous devons d’avoir moins de frais, ainsi les effectifs seront réduits. Cependant, n’ayant qu’une seule scène pour accueillir les artistes, l’espace backstage sera élargi pour permettre autant de distanciation sociale que possible. C’est l’entreprise Faste qui s’en occupera, nous sommes en train de contractualiser sa prestation.« 

  • Pourquoi le tenter ? 

     »Pour être franc, nous avions plus ou moins renoncé à une édition 2021. C'était sans compter sur la motivation du maire d'Évreux, Guy Lefrand, qui a souhaité rebondir sur les annonces gouvernementales autorisant les festivals sous conditions. Lorsqu’il nous a assuré que la Ville prendrait en charge les sièges nécessaires pour coller au protocole, nous nous sommes mis en état de marche. Pour l’instant nous n’avons pas eu de réunion avec la Préfecture, mais nous savons qu’il faut d’ores et déjà être force de proposition."