Production

Reprise : de nouvelles habitudes du public dans les théâtres de Dominique Bluzet à Marseille et Aix ?

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

À la tête de quatre salles privées à Marseille et Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), l’entrepreneur de spectacles Dominique Bluzet décrit une reprise inégale selon les projets et les jauges, compliquée par des travaux et un changement des habitudes culturelles.

Le Théâtre du Gymnase entre en travaux pour plusieurs années. - © Agnes Mellon
Le Théâtre du Gymnase entre en travaux pour plusieurs années. - © Agnes Mellon

Quelle tendance retenez-vous sur cette reprise ?

Cette rentrée, déjà particulière, est encore compliquée par d’autres obstacles techniques nous concernant. Entre les Bernardines et le Gymnase à Marseille, puis le Grand Théâtre de Provence et le Jeu de Paume à Aix-en-Provence, nous disposons d’une variété de typologies de lieux et de jauges, de 100 à 1 500 places. Le Gymnase étant en travaux pour au moins trois ans, nous avons reporté quelques spectacles sur d’autres lieux comme le Théâtre de l’Odéon non loin, une salle municipale qui présente pas mal de défauts, et à l’Opéra de Marseille, qui a des spécificités techniques. Ce sont néanmoins des collaborations avec le secteur public qui nous enthousiasment. Le secteur privé, en grande partie, a dû se mettre en veille pendant un an, alors que le public n’a pas arrêté de travailler. 

Dans l’ensemble, la musique souffre moins que le théâtre, du fait d’un noyau dur plus indéfectible.

De façon générale, la vente des abonnements est bien plus molle que d’habitude : nous avions des prévisions basses, mais la réalité est même 30 % en-dessous de ces prévisions - et nous sommes pourtant mieux logés que d’autres lieux privés qui connaissent des chutes encore plus graves. Nous notons un frémissement des ventes sur les derniers jours avant la date d’un spectacle, indiquant un comportement plus spontané du public. Dans l’ensemble, la musique souffre moins que le théâtre, du fait d’un noyau dur plus indéfectible dans son public. 

Nous avons aussi du mal à faire revenir le public sénior, qui est plus frileux à re-sortir. La mobilité et les transports, étaient déjà des obstacles selon les lieux, mais le masque et le pass sanitaire semblent être les obstacles de trop. Nous le voyons lorsque des artistes comme Pierre Arditi, qui correspond à ce public, remplit moins qu’avant. Il est aussi à noter qu’Aix et Marseille n’ont pas le même environnement social et urbain. À Aix, l’accès des lieux est plus pratique et le public, plus aisé, a un comportement plus linéaire. À Marseille, où les travaux du Gymnase et le transfert de dates sur d’autres lieux compliquent les choses, le public répond moins à notre offre. 

Dans ce contexte, quelle programmation proposez-vous ? 

Nous proposons 220 représentations de 130 spectacles sur quatre lieux, avec un volet international forcément un peu réduit, à la fois par prudence quant aux protocoles de déplacement, et par solidarité avec les artistes nationaux. La principale nouveauté est une série de propositions hors les murs, « Aller Vers », qui se déploiera dans des cafés, des salles paroissiales ou des églises. Irriguer différemment la société avec du spectacle vivant nous a semblé une nécessité, c’est pourquoi nous tentons de faire surgir notre offre dans d’autres lieux, sous des formes conviviales - autour d’un verre, d’un café ou autre. 

Des tensions émergent lorsque, dans une équipe largement vaccinée, un salarié qui ne l’est pas se retrouve contaminé et pénalise les autres.

Cette année est charnière, et nous devrons trouver des façons de nous renouveler. La réalité est ainsi : notre public est vieillissant, et les 30 à 40 % de spectateurs qui provenaient du corps enseignant s’amoindrissent. La culture parmi les nouveaux professeurs ne tourne plus forcément autour des arts vivants - nous pouvons le voir y compris dans les programmes scolaires, où le théâtre classique est moins présent, et n’est pas forcément remplacé par des écritures contemporaines.

Le pass sanitaire complique-t-il votre travail ?

En fin de compte, les complications se trouvent davantage en interne que dans le public. Bien sûr, nous avons dû embaucher cinq ou six personnes pour les contrôles, et nous avons connu des situations complexes avec quelques spectateurs - comme, une fois, une personne se prétendant médecin, qui disait avoir oublié son pass sanitaire. Du côté des scolaires aussi, les sorties deviennent impossibles, puisque annulées dès la première suspicion de contamination, ou des problèmes de pass. Autrement, les contrôles sont assez fluides désormais.

C’est en fin de compte en coulisses que tout se complique : des tensions émergent lorsque, dans une équipe largement vaccinée, un salarié qui ne l’est pas se retrouve contaminé et pénalise les autres en reportant sa charge de travail. La vérification quotidienne des pass sur les nouvelles équipes est aussi une pratique assez étrange. Des craintes existent aussi lorsque des acteurs d’un certain âge montent sur scène.