Production

Écoresponsabilité : Arviva repense le temps et l’espace dans le spectacle

Par Thomas Corlin | Le | Éco-responsabilité

La crise actuelle serait-elle l’occasion d’une prise de conscience écologique ? Arviva le souhaite, et rassemble des acteurs de la musique et du spectacle pour généraliser les chartes écoresponsables et innover dans les pratiques vertueuses. Lancé cette année, le réseau multiplie les actions et attire de nombreux adhérents, d’après l’un de ses fondateurs, Robin Ducancel, producteur pour le Concours de Genève et pour l’orchestre Les Forces Majeures.

Le regroupement compte désormais près de 100 adhérents. - © D.R.
Le regroupement compte désormais près de 100 adhérents. - © D.R.

Quelles sont les mesures les plus communes et immédiates que l’on retrouve dans les chartes de vos adhérents ?

Les priorités sont différentes selon les structures et la réalité de leur travail, à chaque adhérent correspond sa charte, en quelque sorte, mais il existe certains leviers communs. Les transports, le catering et les outils financiers sont les plus courants. Les transports sont transversaux et représentent donc une majorité de l’impact : les tournées des artistes, le déplacement des publics, l’adaptation des horaires pour que les spectateurs puissent rentrer en transport, etc. Il est par exemple question de ne pas rembourser les compagnies qui voyagent en avion en dessous de 1 000 km de distance, etc. 

Les transports, le catering et les outils financiers sont les levuers plus courants.

Nous pouvons aussi conseiller des banques au meilleur bilan carbone ou guider vers les bons outils de bureautiques. Il en va de même pour les hôtels dans lesquels résident les artistes de passage, où il peut être demandé de ne pas laver les serviettes et la literie quotidiennement, de moins chauffer, de ne pas donner d’échantillons… Enfin, d’autres actions simples et déjà très répandues ailleurs sont toujours au menu, comme le tri des déchets ou bannir le plastique. 

Un autre enjeu est celui de la communication et de la sensibilisation. Arviva souhaite créer un cercle vertueux à l’échelle du spectacle vivant autour de ces questions, afin que tout le monde prenne conscience que chaque détail peut avoir un impact. 

Ce lobbying rencontre-t-il encore beaucoup de résistance, ou pourrait-il être favorisé par les leçons écologiques de la crise sanitaire ?

Bien sûr, il y aura toujours une forme de résistance, tout prend du temps. Aujourd’hui cependant, nous sommes entendus par des acteurs décisionnaires, et les actions suivent ou vont suivre. Le Centre National de la Musique comprend nos revendications, et le Bureau Export intègre qu’il faudra privilégier les tournées les plus intelligemment organisées en matière d’aide, ce qui nécessite donc une redéfinition des critères budgétaires. Nous sommes également reçus par le Ministère de la Culture. Enfin, tout le monde peut observer que le sujet environnemental est désormais omniprésent dans tous les débats et rencontres des événements professionnels du secteur, alors qu’il fallait encore forcer la porte il y a tout juste trois ans.

L’expérience de de la crise rend tout plus visible, plus évident. Il semble désormais difficile, par exemple, d’envisager les tournées transatlantiques de la même façon qu’avant. La situation expose de façon d’autant plus criante la fragilité du spectacle vivant, et même si l’effet sera négatif dans l’absolu, il sera peut-être durablement positif sur les consciences. 

Pour autant, la vigilance restera de mise lors de la reprise d’activité : une tendance à rattraper le temps perdu autant que possible pourrait déboucher sur une surabondance et un laxisme sur les comportements écoresponsables. C’était le cas à la sortie du premier confinement, par exemple. 

La vigilance restera de mise lors de la reprise d’activité

Malgré tout, tout le monde a bien compris que la reprise, quand elle aura lieu, sera très progressive. Ainsi les pratiques nuisibles à l’environnement ne pourront reprendre aussi vite, du moins dans les mêmes proportions qu’avant. C’est pourquoi nous sommes à un tournant, le moment est peut-être propice à faire repenser la notion de temps et d’espace dans le spectacle vivant et ainsi instaurer une dynamique écoresponsable. Les routings intelligents, les déplacements pensés comme des résidences, doivent devenir la règle, à la lumière des dernières initiatives expérimentées ici et là cette année. 

Robin Ducancel - © D.R.
Robin Ducancel - © D.R.

Arviva a été lancé cette année, principalement par des acteurs de la musique classique. Quels domaines avez-vous rallié à votre cause ?

Arviva compte 80 membres actuellement, et une centaine en incluant les adhésions de soutien. De nombreuses esthétiques et métiers nous ont rejoints : arts en espace public, danse, administrateurs, artistes, techniciens, directeurs artistiques… L’initiative est musicale à l’origine, mais désormais des théâtres, des centres dramatiques nationaux, souhaitent rédiger leur charte avec nous. 

Nous pouvons citer le CentQuatre, la Maison des Métallos, le Nouveau Théâtre de Montreuil ou la Pop en région parisienne, mais aussi un collectif comme I Am A Bird Now, ou bien sûr la compagnie de Jérôme Bel, très engagé sur le sujet. 

De nombreuses initiatives locales ont toujours existé, et elles continuent. J’organise par exemple avec l’orchestre Les Forces Majeures des tournées à vélo sur des périmètres limités à 50 km par exemple. Arviva entend unifier ces énergies, transmettre les pratiques. 

Logo d’Arviva - © D.R.
Logo d’Arviva - © D.R.

Parmi nos objectifs, figure un Prix de l’Innovation qui récompenserait un projet pionnier dans le domaine, et nous cherchons des mécènes pour le soutenir. Des groupes de travail sont également lancés, autour de six thématiques, dont la définition d’un nouveau modèle global pour le monde du spectacle, et l’identification de leviers efficaces. Nous souhaiterions aussi créer un premier poste salarié, Arviva reposant pour l’instant sur l’action de neuf bénévoles.