Clubs : à la Machine du Moulin Rouge, la reprise à fond
Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition
Retour en masse du public, équilibre financier acceptable : la Machine du Moulin Rouge (Paris 18e) se réjouit d’une reprise en trombe de son activité clubbing, plus progressive du côté concerts. Fort d’expériences menées pendant les confinements, son programmateur Michael Mateescu envisage aussi de mettre à disposition des espaces du lieu à d’autres structures sur certains créneaux.
Sur quel équilibre économique la Machine du Moulin Rouge se relance-t-elle ?
Nous sortons la tête de l’eau et notre structure est sauve. Aucun poste n’a été perdu, et c’est le plus important. Dix-huit mois d’inactivité, c’est énorme, ça redéfinit une trésorerie. Inévitablement, des investissements que nous avions prévus, principalement des travaux, sont désormais reportés indéfiniment. Au moins, nous sommes à l’équilibre, et nous pouvons monter nos productions d’événements, ce qui nous permet de travailler normalement.
Nous sommes une SAS d’une quarantaine de salariés et avons survécu grâce à l’activité partielle et aux aides de l’État, comme la plupart des entreprises.
Sur quel calendrier et avec quelle programmation avez-vous rouvert ?
C’est peut-être une effervescence, ça pourrait retomber, mais pour l’instant nous n’en n’avons aucun signe.
La Machine du Moulin Rouge a également la gestion du Bar à Bulles, qui a rouvert en mai avec les bars et restaurants. Du côté de la programmation musique, nous avons rouverts nos espaces le 17 septembre. En matière de soirées club, les choses ont repris de plus belle, avec le même volume. Dans son contenu cependant, il y a un fort recentrage sur le local : il n’est pas seulement dû aux restrictions sur les voyages (qui tendent à se résoudre), mais à une vraie volonté de mettre en avant la scène parisienne et française. Nous restons à 95 % un lieu qui programme, non pas un lieu qui accueille, et même lorsque nous accueillons des soirées, nous avons un regard sur la programmation. Nous ne sommes pas une salle garage.
Du côté des concerts, tout n’a pas repris. Les tournées internationales n’ont pas toutes été relancées, beaucoup ont été basculées sur 2022. Forcément, la logistique d’un concert n’est pas la même que celle d’un DJ et les tourneurs prennent moins de risques. Nous avons fait quelques concerts qui ont bien marché cependant.
Comment votre public revient-il chez vous ?
En masse ! Il y a un désir très fort de fête, nous l’observons sur la fréquentation de nos soirées club. La jauge à 75 % a très souvent été atteinte. C’est peut-être une effervescence, ça pourrait retomber, mais pour l’instant nous n’en n’avons aucun signe. Même dehors, les terrasses sont remplies alors qu’il commence à faire froid - avant la crise, ce n’était pas le cas. La situation est peut-être exceptionnelle. Nous avons la chance d’avoir un lieu avec une ligne artistique marquée et donc une communauté de gens qui nous suivent et viennent chercher une programmation en particulier.
Du côté des concerts, les seuls plateaux que nous avons réunis sont des artistes rap qui attirent un public jeune, donc nous avons également rempli. Nous faisons normalement aussi beaucoup de concerts de rock ou de metal, et ça n’est pas encore arrivé pour l’instant, mais d’après ce que nous disent les tourneurs, ce public-là n’est pas encore totalement au rendez-vous.
Pour un club, comment avez-vous géré la limitation de jauge à 75 % en tant que club ?
À 75 %, nous atteignons tout juste notre seuil de rentabilité.
À 75 %, nous atteignons tout juste notre seuil de rentabilité. Pourtant, cela représente exactement autant de travail que si nous avions rempli à 100 %. Ces deux mois d’exploitation dans ces conditions se sont faits alors que bars et restaurants, des lieux parfois vastes et débordant de clientèle, pouvaient recevoir à capacité maximale. Nous avons accepté ces conditions comme tout le monde, étant déjà simplement heureux de reprendre notre activité et de voir notre salle remplie. Pour nous, le retour récent à 100 % est tout simplement un rééquilibrage vers une situation plus juste. Notre salle peut accueillir jusqu’à 1 250 personnes, et nous avons donc rouvert la billetterie de plusieurs événements déjà complets.
Quant au pass sanitaire, ce n’est qu’un process de plus à appliquer, ça n’a pas représenté de grande difficulté, même en tant que club. Notre personnel travaille actuellement masqué, y compris de nuit.
Voyez-vous votre activité changée par la crise ?
Pendant les moments de fermeture, nous avons mis nos espaces à disposition d’artistes, de compagnies de théâtre ou de médias, afin de faire vivre le lieu et de mettre à profit cet arrêt forcé. Cela n’arrivait pas avant, ou du moins pas sous cette forme. Nous réfléchissons à une façon de continuer à faire cela sur les multiples créneaux où ils sont vides.
Les retours de vos confrères du secteur des clubs sont-ils aussi positifs ?
Des clubs ont fermé, c’est désolant, mais il y en a eu moins que nous l’imaginions. Les professionnels du secteur avec lesquels je suis en contact voient leur public revenir et se remettent correctement de la crise. Bien sûr, plusieurs membres de cet écosystème (artistes, tourneurs, DJs, promoteurs, etc) ont quitté les grandes villes, profité de la crise pour changer de voie, de vie. C’est arrivé dans tous les secteurs de la culture, cela ne me semble pas spécifique à la sphère électronique.