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« Défendre la musique malgré tout, même en livestream » (N.Bourgaut, M.Le Cam, FGO-Barbara/3 Baudets)

Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition

Naima Bourgaut et Marie Le Cam de Madline, structure gérant les deux équipements publics de musiques actuelles FGO-Barbara et Les Trois Baudets (Paris 18e), partagent leur stratégie pour faire face au reconfinement.

« Défendre la musique malgré tout, même en livestream » (N.Bourgaut, M.Le Cam, FGO-Barbara/3 Baudets)
« Défendre la musique malgré tout, même en livestream » (N.Bourgaut, M.Le Cam, FGO-Barbara/3 Baudets)

Comment le lieu avait-il procédé lors du premier confinement ?

Naima Bourgaut et Marie Le Cam : Les deux lieux ont fermé et nous avons télétravaillé tant que possible, même si les techniciens et le personnel d’accueil a connu des périodes de chômage technique ou partiel. Nous avons choisi de fermer jusqu’en septembre, tout d’abord par responsabilité collective : un virus circule, nous protégeons le public et nos équipes. Ensuite, nous avons renoncé à reprogrammer sur juin ou sur l'été, et plutôt pris le temps de préparer une rentrée riche dans les meilleures conditions possibles.

Nous avons joué le jeu du report et entièrement redistribué les concerts annulés sur la saison suivante.

Nous avons repris les concerts en septembre, avec des jauges très réduites dans les deux lieux, en essayant de respecter la visibilité de toutes les esthétiques que nous représentons d’habitude. La part de billetterie dans notre budget est de 20 %, la réduction de jauge est donc moins problématique que pour d’autres lieux. Nous avons donc testé des toutes petites formes avec un public très réduit : à FGO-Barbara avec Grünt, nous organisons des concerts de hip hop en livestream dans notre salle de pratiques devant un public de 28 personnes. Une session d'écoute à la fin de la résidence d’un artiste électro a eu lieu, réservée à nos équipes. Des spectacles jeune public aux Trois Baudets se sont aussi tenues en accès libre le samedi matin. 

Nous avons joué le jeu du report et entièrement redistribué les concerts annulés sur la saison suivante. Cela a parfois donné lieu à des doubles dates pour accueillir davantage de public, et donc à des ajustements de cachet, des coproductions, des partages de billetterie, etc. Nous avons également repris nos activités socio-culturelles avec des associations, rouvert nos espaces de répétitions, et les programmes d’accompagnement d’artistes Variation(s). Les artistes de la promotion précédente ont vu leur résidence prolongée, et de nouveaux ont entamé leur année chez nous. 

Quelles activités sont maintenues pendant ce second confinement ?

Naima Bourgaut et Marie Le Cam : Côté diffusion, nous sommes partis de l’idée qu’il fallait défendre la musique malgré tout, en livestream s’il le faut. Évidemment, c’est un support qui ne nous convient pas, nous sommes des diffuseurs, nous n’avions pas prévu de travailler avec des écrans, mais il explose actuellement et s’impose à nous. Nous l’utiliserons dans ce contexte.

Nous maintenons ainsi, en ligne, nos concerts avec Grünt, sans public cette fois-ci, et notre festival Ici Demain. La programmation de cet événement n’aurait pas été cohérente si nous l’avions décalée : il s’agit d'émergence. Nous diffuserons l'événement en partenariat avec le média Sourdoreille

Ce confinement permet de maintenir une certaine activité, ainsi les programmes d’accompagnement sont maintenus, et les artistes peuvent continuer à répéter, moyennant des attestations fournies par leur production. Les pratiques amateurs sont cependant suspendues. 

Salle des pratiques d’FGO.  - © Lucie Brugier
Salle des pratiques d’FGO. - © Lucie Brugier

Aux Trois Baudets se tiendront des résidences d’artiste de trois jours qui déboucheront sur une journée de restitution en livestream. Il était déjà prévu d’accueillir ces artistes, nous avons seulement transformé leur programme. Un projet en collaboration avec le Théâtre de la Ville est également en cours, et sera diffusé en ligne. Nous diffuserons aussi des spectacles jeune public à Noël, dans l’espoir d’un assouplissement à ce moment-là, qui nous permettrait d’accueillir un minimum de public.

Nous anticipons également sur un confinement en janvier et nous étendons donc nos travaux sur cette période.

Nous réfléchissons aussi à des façons de soutenir le tissu associatif de notre quartier, en mettant par exemple à disposition certains de nos espaces. Nous sommes un établissement culturel, nous n’avons donc pas vocation à nous substituer à des travailleurs sociaux, ce sont d’autres pratiques, d’autres codes, mais nous pouvons contribuer en organisant par exemple des distributions de repas aux démunis. 

Quelle organisation d'équipe a été mise en place cette fois-ci ?

Naima Bourgaut et Marie Le Cam : Lors du précédent confinement, l’inactivité de certains effectifs et l’isolement en télétravail pour d’autres ont été mal vécus. Nous pouvons cette fois-ci éviter cela, et nous travaillons sur des plannings permettant une circulation des équipes, à raison de 2 jours par semaine pour chaque salarié. 

Nous essayons de redistribuer le personnel d’accueil au public sur d’autres activités, comme celle de l’accueil des artistes en résidence, de catering. Nous les intégrons aussi à la réflexion autour des activités socio-culturelles à venir. 

Nous anticipons également sur un confinement en janvier et nous étendons donc nos travaux sur cette période. 

Salle de concert à FGO-Barbara - © Lucie Brugier
Salle de concert à FGO-Barbara - © Lucie Brugier

Dans quel état d’esprit abordez-vous ce second confinement ?

Naima Bourgaut et Marie Le Cam : Nous faisons de notre mieux pour positiver, et c’est notre devoir en tant que meneuses d'équipe. Nous mettons tout en œuvre pour conserver autant d’activité que possible, et rendre la période un tant soit peu constructive. Des lieux comme FGO-Barbara et les Trois Baudets ont des moyens, nous sommes des équipements de la Ville de Paris, nos bailleurs nous soutiennent, tout cela nous permet de continuer plus ou moins à faire notre métier, à remplir nos missions. 

Mais tout n’est pas possible. Nous travaillons depuis un an à faire et défaire la même programmation, et le manque de visibilité est épuisant. Nous nous gardons de tenir un discours trop optimiste, car, comme tout le monde, la réalité nous frappe au quotidien et nous ressentons la gravité de la situation.