Production

Spectacle vivant : une académie (et des ambitions) pour le théâtre musical

Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition

Sous l’impulsion de l'Ensemble Multilatérale et de la structure de création Théâtre & Musique, la première Académie Internationale de mise en scène de théâtre musical se déploiera dans un réseau de lieux à Nîmes (Gard) du 2 au 14 mai prochain. En plus de sa visée créative et pédagogique pour les artistes, elle réunira aussi les professionnels du secteur pour développer une réflexion sur le genre en soi, ses moyens de production et son circuit de diffusion, d’après le metteur en scène Antoine Gindt, directeur de T&M.

Le compositeur Léo Warysnki et le metteur en scène Antoine Gindt. - © Philippe Stirnweiss
Le compositeur Léo Warysnki et le metteur en scène Antoine Gindt. - © Philippe Stirnweiss

Comment délimiter le champ du « théâtre musical » entre théâtre, opéra, spectacle de divertissement, danse et musiques contemporaine ou lyrique ?

Il y a une permanence de l’appellation depuis plusieurs années, qui aurait deux généalogies. L’une serait celle de compositeurs qui créent des œuvres avec une mise en scène en tête, l’autre de metteurs en scène portés sur l’objet musical, comme Peter Brook ou Mathieu Bauer. Le genre a ses grands noms, tels que Georges Aperghis, Maurizio Kagel, Robert Ashley, qui y ont consacré une grande partie de leur œuvre, et ses classiques, comme Einstein On The Beach de Philip Glass et Bob Wilson, qui tourne encore à guichets fermés. Les années 70 ont d’ailleurs été un moment prolifique pour ce genre, qui naviguait entre différentes traditions de la musique et du théâtre et avait sa place, par exemple, au Festival d’Avignon.

Le paradoxe du théâtre musical est qu’il nécessite une certaine voilure pour exister, alors que son économie a du mal à se développer

Il se distingue de l’opéra par ses codes visuels, narratifs, et également par la création d'œuvres nouvelles, et l’appel à des compositeurs contemporains. Remettre en scène La Traviata ou La Bohème n’implique pas le même public ni le même circuit de production que de travailler sur une partition originale, ou même un répertoire moins identifié. 

L’ambition du théâtre musical est d’unir un geste scénique et un geste musical, d’explorer le champ théâtral par d’autres moyens que le texte parlé, ou totalement chanté comme dans l’opéra. C’est un champ protéiforme, où le metteur en scène peut penser différemment la présence d’un ensemble instrumental, mais aussi la place du texte et de la musique dans sa dramaturgie. 

Quelle est sa visibilité sur la scène contemporaine actuellement ? 

Quelques lieux et institutions lui font de la place, comme les Bouffes du Nord (Paris 10e), le Nouveau Théâtre de Montreuil (Seine-Saint-Denis) au temps de la direction de Mathieu Bauer, ou la péniche La Pop (Paris 19e). Le Festival Musica lui est en partie dédié. Les spectacles de Samuel Achache ou Benjamin Dupé se sont faits une place également, et le Festival d’Avignon propose des spectacles dans ce champ cet été (François Chaignaud et les Cris de Paris, par exemple). Le Théâtre de Caen (Calvados), L’Atelier Lyrique de Tourcoing (Nord) et le Théâtre de Nîmes (Gard) qui accueille l’Académie, s’inscrivent aussi dans ce réseau.

Ses moyens de production croisent-ils ses sources entre théâtre et musique ? 

Idéalement, oui. Le paradoxe du théâtre musical est qu’il nécessite une certaine voilure pour exister, alors que son économie a du mal à se développer. Il nécessite la présence d’un ensemble instrumental et de moyens scéniques, ce qui multiplie les coûts. Il existe alors un fonds de création lyrique de la SACD, que nous ajoutons aux subventions courantes du spectacle vivant (par la DRAC), mais aussi du crédit d’impôt au spectacle musical, qui est précieux pour ce domaine - même s’il est davantage destiné au music hall et au réseau privé de divertissement. 

Quelle est l’ambition de cette premier Académie et comment la produisez-vous ? 

Elle est tout d’abord d’ordre pédagogique : le répertoire du théâtre musical, ses compositeurs phares, ne sont presque pas abordés ni dans les formations purement musicales, ni dans les écoles de théâtre. Ensuite, il s’agira de former les artistes présents (une trentaine, issus de vingt-sept pays), de leur donner des clefs de mise en scène - trois maquettes de spectacles seront produites et présentées au public à la fin de l’Académie. Enfin, bien sûr, l’enjeu est de fédérer, de susciter l'émergence d’un vrai réseau. Nous avons donc invité, en plus des artistes, des programmateurs, des formateurs aux métiers du spectacle et des professionnels ou artistes d’autres domaines, comme de la danse ou de la littérature. Les académies ne concernent généralement que les compositeurs, il s’agissait cette fois-ci d’en faire un rendez-vous plus global. 

Nous avons financé l'événement grâce à la DRAC Occitanie, aux collectivités Locales, à l’apport en industrie du Théâtre de Nîmes pour la production des spectacles, et grâce à un partenariat avec la Fondation AG2R La Mondiale.