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Comment le Mucem va-t-il exposer les objets du confinement ?

Par Thomas Corlin | Le | Médiation

Lancée il y a bientôt un an, la collecte « d’objets du confinement » du Mucem (Marseille 2e) donnera lieu à une exposition en cours d'élaboration. L'établissement est par ailleurs mobilisé dans la perspective de la réouverture des musées, espérée prochainenement, d’après Émilie Girard, sa directrice scientifique et des collections.

Depuis le second confinement, la terrasse du Fort Saint-Jean est restée ouverte au public. - © Cyrille Weiner
Depuis le second confinement, la terrasse du Fort Saint-Jean est restée ouverte au public. - © Cyrille Weiner

Dans quelle optique avez-vous lancé cette collecte d’objets « représentant » le confinement ? 

Le Mucem est un musée d’histoire, de civilisation, mais aussi de société, qui se doit de documenter le contemporain. Dès la mi-avril, nous avons souhaité lancé notre propre collecte autour du confinement, à notre manière. D’autres établissements s’y sont mis avant nous, notamment les centres d’archives, qui sont plus habitués à enrichir leur collection de cette manière-là. 

Pour comprendre comment les gens vivaient ce moment particulier, nous avons choisi les objets : lesquels symbolisent le mieux le confinement ? Nous avons fait un appel à contributions, sous la forme de photographies et de descriptions. Dès la première semaine nous en avons reçu 80, désormais nous en comptabilisons 600. Elles proviennent de tout le territoire national, bien au-delà de la zone d’implantation du musée, et nous avons également reçu quelques contributions de l'étranger, notamment d’expatriés. Nous avons répondu positivement à 175 propositions, et les objets nous parviennent depuis cet été. 

Cette collecte a rappelé le rôle social fort d’un musée tel que le Mucem.

Le projet s’est intégré au travail de conservation et de recherche du musée. Nous avons recruté un chercheur post-doctorant, Simon Le Roulley, pour encadrer le traitement de ces dons. Il a notamment interrogé les donateurs, et élargi le domaine de la collecte à des zones défavorisées via des réseaux de solidarité mis en place dès le premier confinement.

Cette collecte a rappelé le rôle social fort d’un musée tel que le Mucem, notamment par la nature des contributions et les échanges qui en ont découlé. Les donateurs se sont confiés à nous de façon très personnelle, notamment du fait de l’anonymat que leur permettait cette position, et nous ont donc donné accès à des choses intimes, qui en disent beaucoup sur ce que la pandémie nous fait. 

Par ailleurs, nous prévoyons de mettre en commun les résultats de cette collecte avec celles d’autres musées de société nationaux et internationaux, tels que le Musée de la Vie Wallonne en Belgique ou le Musée de Civilisation de Québec au Canada, qui ont aussi procédé à des collectes selon différents angles. 

Quels objets vous parviennent et que comptez-vous en faire ? 

Nous n’avions pas fléché la collecte vers un type d’objet en particulier, donc nous ne savions pas forcément à quoi nous attendre, si ce n’est à des masques ou du matériel sanitaire. Il y en a eu, naturellement, mais des masques faits main, certains très sophistiqués, l’un ressemblant à un origami en papier, d’autres confectionnés par la mère sicilienne d’un contributeur. Il y a eu aussi des attestations, certaines rédigées à la main avec beaucoup de soin et d’intention, et du matériel en référence au monde soignant (banderole, matériel pour faire du bruit à 20h…). 

Le calendrier de confinement de la contributrice Lili Sohn. - © Mucem
Le calendrier de confinement de la contributrice Lili Sohn. - © Mucem

Nous avons aussi recueilli ce que nous appelons des objets marquant le temps qui passe : une planche de backgammon conçue avec du matériel de récupération, des marelles dessinées à même le sol d’un appartement, des balançoires fixées au plafond, des calendriers, des plannings d’activité et bien sûr des journaux de confinement. 

D’autres objets témoignent selon nous d’un rapport différent à l’intérieur et à l’extérieur. Un livreur nous a confié ses chaussures, qu’il laissait sur le seuil de son appartement car elles ne rentraient plus dans le cocon domestique désormais sanctuarisé. Enfin, certains objets racontent des relations sociales nouvelles, comme ce faux-col qu’une donatrice mettait pour avoir l’air habillée lors de ses réunions professionnelles en ligne, ou ces fausses photos de mariage mises en scène par les proches d’un couple qui a dû annuler sa cérémonie. 

Très vite, la question du mode de restitution de cette collecte s’est posée, et nous avons décidé de faire intervenir le regard d’un artiste (actuellement contractualisé et très bientôt annoncé) pour concevoir une exposition. Celle-ci se tiendra dans l’espace d’exposition du Centre de Conservation et de Ressources (CCR) du Mucem, pour décembre prochain si la réouverture des musées se passe bien. Elle s’inscrira dans un projet européen commun à d’autres musées, Taking Care

Comment se prépare le Mucem à la réouverture des musées si les conditions sanitaires le permettent bientôt ? 

Contrairement à l’année dernière où nous avons été pris de court, nous faisons tout pour être prêts à réouvrir pratiquement du jour au lendemain si cela est possible. Nous suivrons le calendrier prévu initialement. Hélas, l’exposition « Folklore » n’aura pas connu d’ouverture au public (si ce n’est sous une autre forme au Centre Pompidou de Metz), et nous devons la démonter. L’exposition à venir est celle de Jeff Koons qui apportera son regard sur la collection du musée, et elle a nécessité des prêts qui font que nous ne pouvons la décaler. 

  • La collecte est officiellement close depuis fin mai, mais le Mucem continue à prendre en compte des propositions à confinement@mucem.org