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Droits culturels : comment les intégrer à son projet ?

Par Thomas Corlin | Le | Médiation

Les éditions de l’Attribut, Auvergne Rhône-Alpes Spectacle Vivant et l’UFISC ont co-édité Droits culturels - les comprendre, les mettre en œuvre, ouvrage réunissant les contributions de 25 chercheuses et chercheurs sur cette notion tant débattue dans la filière. Historique, application, moyens : Marie Richard de l’Agence AURA Spectacle Vivant fait le point avec exemples à l’appui.

Les droits culturels ont été inscrits dans la NOTRe en 2015.  - © D.R.
Les droits culturels ont été inscrits dans la NOTRe en 2015. - © D.R.
  • Des droits humains, avant tout

La Déclaration de Fribourg, établissant les droits culturels, est un texte de 1993 qui a été révisé plusieurs fois depuis, fruit d’un travail de l’Unesco, du Conseil de l’Europe, de l’Organisation internationale de la Francophonie, puis de l’Observatoire de la diversité et des droits culturels. Il se réfère à des droits figurant déjà dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, puis dans divers pactes internationaux. Ceux-ci concernent donc des droits élémentaires, relevant des modes de vie, des croyances, de l’expression de soi (y compris, donc, artistique), de la formation des opinions, de l’accès à l’éducation, ou à des ressources pour choisir sa propre voie d’émancipation, de tout ce qui fait identité, et de l’accès à la dignité dans le sens large du terme. Cela touche aussi à la non-discrimination, à la parité femmes/hommes et aux minorités. C’est donc très vaste, et ça ne concerne pas que le secteur culturel, mais toutes les politiques publiques. 

  • La culture, un levier fort - mais pas le seul !

Les arts sont le vecteur de beaucoup de symboles d’identité, et touchent à quelque chose de sensible, plus que d’autres domaines. Il ne faut pas faire porter à la culture toute la charge de ces missions pour autant. C’est ce qui a pu provoquer la réticence de certains professionnels, qui ont pu craindre que leur expertise leur soit discutée, et enfin que toute l’action concernant les droits culturels leur incombait. La culture doit s’inscrire dans un référentiel plus large. 

  • Des pouvoirs publics impliqués et des moyens à mobiliser

Un dispositif local d’accompagnement peut être demandé, et les OPCO peuvent financer une formation. 

La mention des droits culturels dans la loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) a initié un débat sur le sujet, ce qui est sain. Une structure a depuis pris en charge ces questions au sein du Ministère de la Culture, la Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle, menée par Noël Corbin. Certaines DRAC, comme en Auvergne-Rhône-Alpes, travaillent aussi en ce sens.

Intégrer les droits culturels dans ses méthodes de travail prend du temps et nécessite des compétences, certaines ressources peuvent alors être mobilisées à ce titre. Un dispositif local d’accompagnement (DLA) peut être demandé, et les OPCO peuvent financer une formation. 

  • Une éthique globale plus que des actions en particulier

Des actions concrètes en faveur des droits culturels existent : des SMAC proposent des marches pour identifier comment divers usagers perçoivent leurs espaces (s’ils s’y sentent accueillis, en sécurité, etc), certains lieux misent sur l’accueil, d’autres mettent en œuvre des comités de co-programmation avec les habitants. Toutes ces pratiques sont à encourager. D’autres peuvent être perçues comme démagogiques : programmer des musiques traditionnelles en imaginant que cela intègrera certains publics, c’est penser à l’envers, et encore juger à la place des autres. 

Les droits culturels s’abordent plus globalement, notamment dans les méthodes de travail, en interne. Organiser un comité de programmation, par exemple, doit se faire en se demandant qui aura accès à cette information, qui sera libre d’y participer. La gouvernance d’un lieu est aussi à repenser : est-elle purement verticale, ou se fait-elle par une concertation plus globale ?

  • Des outils d’évaluation accessibles

Aucun « contrôle » n’existe autour des droits, mais plusieurs organismes se proposent de conseiller, d’accompagner. L’UFISC suit le progrès de certains acteurs volontaires. Le réseau Culture21, via Paideia, analyse prêts de 400 démarches, y compris hors de la sphère culturelle. Le rapport Lucas suit également des expériences de coopération, notamment en zone rurale. L’experte Hélène Duclos propose d’estimer « l’utilité sociale » des structures. 

Il ne s’agit pas de faire un dogme des droits culturels, mais plutôt d’être humble, de mettre en commun des expériences et d’établir des critères pertinents. Tous les professionnels qui se sont investis témoignent que les questionnements deviennent moins fastidieux, et que des réflexes se mettent en place au quotidien en abordant divers projets.