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Patrimoine : le Château de Chantilly mise sur l'événementiel et le numérique

Par Thomas Corlin | Le | Médiation

Visibilité médiatique, événementiel et numérique ont assuré une rentrée enthousiasmante au Château de Chantilly (Oise). Son administratrice générale Fériel Fodil et le conservateur du musée Condé en son sein, Mathieu Deldicque, dressent un bilan de ces actions sur le long terme.

Le Domaine est partiellement visitable en ligne. - © J.HOUYVET/- lumieresmarines.com
Le Domaine est partiellement visitable en ligne. - © J.HOUYVET/- lumieresmarines.com

Quel comportement votre visitorat a-t-il adopté depuis la reprise ?

Fériel Fodil : Nous avons été un des premiers lieux culturels à rouvrir en France en mai 2021, mais c’est surtout au 4e trimestre qu’une dynamique s’est installée. Avec 96 000 visiteurs, nous notons une hausse de 14 % sur l’automne par rapport à 2019. Cependant, si l’on se réfère à l’année entière, nous comptabilisons 288 000 visiteurs : c’est 36 % de plus qu’en 2020 (où nous étions majoritairement fermés), et 33 % de moins qu’en 2019. Il s’agit donc d’un premier palier avant un retour à la normale. Par ailleurs, notre public est désormais local à 95 %, contre 80 % par le passé.

Par delà un engouement pour le retour des activités culturelles, nous mettons le succès du 4e trimestre sur notre renforcement du calendrier événementiel et certaines opérations qui nous ont assuré une grande visibilité. Les Journées du Patrimoine nous ont attiré à elles seules 14 000 visiteurs ; des visites guidées nocturnes, éclairées à la torche, ont rassemblé 5 000 visiteurs sur 52 créneaux. Nous avons également programmé notre premier spectacle son et lumière, et un autre suivra. 

Notre public est désormais local à 95 %, contre 80 % par le passé.

D’autres opérations nous ont assuré une visibilité sans pareille pour notre site : la 15e édition de la Journée des Plantes a été encadrée par l’émission de France Télévision « Silence Ça Pousse », et ce sont donc 20 000 visiteurs qui s’y sont rendus cette année. La soirée du jour de l’an, avec son feu d’artifice, a été tournée au Château cette fois-ci, et a été vue par 4 à 6 millions de téléspectateurs - nous n’avons jamais connu une telle exposition.

Nous maintenons ce rythme en 2022 avec d’autres spectacles, notamment équestres, à nouveau du mapping, un défilé de voitures et des événements thématisés autour du bicentenaire de la naissance du duc d’Aumale, et de notre exposition autour du graveur Dürer. Désormais les visiteurs ne viennent plus pour nos collections, du moins plus seulement, c’est un fait. Nous sommes donc tenus de renouveler leur expérience de visites et de les attirer différemment.

Comment êtes-vous parvenus à conserver un équilibre financier ?

Fériel Fodil : Le domaine appartient à l’Institut de France, un établissement public-privé. Nous ne touchons pas de subvention pour le fonctionnement du lieu, mais nous avons reçu une aide exceptionnelle de l’État pour couvrir les pertes d’exploitation pendant les périodes de fermeture. 

Numérisation d’une pièce du mobilier du Château.  - © Château de Chantilly
Numérisation d’une pièce du mobilier du Château. - © Château de Chantilly

Vous avez numérisé le mobilier du Château, dans quel but a été mené ce projet ?

Mathieu Deldicque : Cela fait deux ans que nous avons emprunté le virage numérique et le confinement a été propice pour s’y atteler davantage. Le Château est en grande partie visitable en ligne, de nombreuses vidéos ont été publiées et des visites, guidées ou non, sont disponibles. Nous organisons aussi des expositions virtuelles temporaires avec Google, et une application numérique remplacera bientôt notre audioguide.

La numérisation du mobilier s’inscrit entre autres dans cette démarche. Nous avons fait appel au prestataire Explovision, et procédé à un relevé à la main de toutes les pièces dont sont composés les meubles - certains sont d’une grande complexité, une commode pouvant être constituée de 600 éléments. C’était un travail ambitieux, qui a nécessité le déplacement de tout le mobilier lorsque le Château était fermé au public. 

Ces numérisations seront consultables sur des bornes dans nos galeries ou notre site web. Elles permettront, je l’espère, d’offrir un nouveau regard sur ce mobilier ancien qui s’est quelque peu démodé, et dont la sophistication technique n’est pas toujours imaginable derrière leur aspect rutilant et leurs ornements. 

Ce projet s’inscrit aussi dans une démarche d’archivage de ce patrimoine : à la fois pour en conserver les méthodes de fabrication en cas d’incendie ou autre, mais aussi pour créer une banque de données pointue à l’usage des ébénistes, amateurs, chercheurs, etc. 

Avec quels moyens l’avez-vous réalisé ?

Mathieu Deldicque : Nous avons répondu à un appel à projets de la Région Hauts-de-France qui dotait les dispositifs digitaux innovants, et reçu le soutien de la Maison Sotheby’s et des Friends of Domaine de Chantilly, une société internationale de mécènes.