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Scène nationale : à Montbéliard, une annexe éphémère et un pôle radio en création

Par Thomas Corlin | Le | Médiation

Doté d’une annexe éphémère, le MAgasin, et bientôt d’un pôle de création radiophonique, MA scène nationale (Montbéliard, Doubs) étend les missions traditionnelles de son label. Son directeur Yannick Marzin découvre en s’y engageant les avantages de ces chantiers encore peu courants dans le circuit du spectacle vivant.

 Le Théâtre de Montbéliard. - © Zélie Noreda
Le Théâtre de Montbéliard. - © Zélie Noreda

Sur quelle impulsion MA Scène Nationale s’est-elle dotée d’une annexe avec le MAgasin ? 

En 2014 et 2016, nous avions disposé gratuitement d’une petite boutique dans le centre ville pour des durées de 15 jours, dans le cadre du festival Green Days. Il s’agissait de proposer une programmation inhabituelle dans un espace ouvert différemment au public. La première fois, un artiste autrichien proposait des petites formes chorégraphiques entre 50 centimes et 5 €. Le visiteur entrait dans la boutique, choisissait sa formule, puis discutait avec l’artiste de la valeur de l’art après la performance. La seconde, ce fut le tandem Scenocosme qui a transformé le lieu en un espace de création avec des plantes. Ce lieu-là est entretemps devenu un bar important en ville. 

Montrer l’atelier où travaillent nos invités fait sens dans un bassin ouvrier comme Montbéliard. 

Nous louons le nouveau lieu dans lequel le MAgasin s’est installé. C’est une « manageuse de centre ville » qui nous a proposé plusieurs espaces, puis mis en lien avec le propriétaire de celui-ci. Dans le cadre d’un programme lancé sous la gouvernance d’Édouard Philippe, de nombreuses mairies de petites et moyennes villes ont embauché quelqu’un à ce poste, pour redynamiser des cœurs de villes désertés par les commerces. Des projets culturels pouvaient entrer dans ce cadre mais, à ma connaissance, MA Scène Nationale est la seule structure de ce type à en avoir profité - même si tout a été produit sur notre budget courant. 

C’est une ancienne boutique de chaussures de 220 m2, en angle. Nous avons pu négocier le loyer, la relance n’ayant pas encore opérée dans toutes les filières commerçantes, son propriétaire a été attiré par notre projet, qui lui permettra de mettre en valeur ce local avant de le relouer ou de le vendre. 

Nous y avons vu une occasion de nous implanter différemment dans notre territoire proche et de mettre la reprise sous le signe de la nouveauté. La vitrine permet d’exposer des artistes au travail, le processus de création artistique étant le plus souvent abstrait pour le grand public. Montrer l’atelier où travaillent nos invités fait sens dans un bassin ouvrier comme Montbéliard. 

Quelles sont les conditions techniques du lieu et qu’y programmez-vous, avec quels retours du public ? 

Une forme d’itinérance avait été imaginée à l’origine, le MAgasin pourrait se déplacer de boutique en boutique, mais ces espaces sont peu propices à la création artistique. Les locaux commerciaux ne disposent que de peu de prises électriques par exemple, et nécessitent donc quelques aménagements. Nous les avons pris en charge pour cet espace-là, mais ne pourrions le faire à chaque déménagement. Pour l’instant, nous résidons dans cet espace jusqu’en mars 2022. 

Nous avons également établi d’autres liens avec le territoire grâce à cette annexe.

Ainsi nous invitons sur des résidences de sept à quinze jours des artistes dont le travail se prête à ces conditions. Paolo Duarte travaille le low tech et la marionnette, il s’est emparé de la vitrine pour montrer certaines de ses machines, ainsi que des capsules vidéo, et il a pris le parti d’accueillir le public, une pancarte l’invitant à rentrer. Bientôt ce seront les belges du Collectif Wow ! qui y tiendront une résidence radiophonique

C’est davantage un lieu de passage, de curiosité, de regard extérieur pour les passants. Nous avons organisé quelques moments de rencontre, mais le MAgasin n’est ni conçu ou perçu comme un vrai lieu de visite, plutôt comme un espace où sont exposés des objets intermédiaires et complétant notre offre en spectacles. Nous avons également établi d’autres liens avec le territoire grâce à cette annexe : nous avons resserré nos rapports avec la Mairie, dont l’adjoint est désormais en contact direct, et nous sommes implantés auprès des commerçants de la ville par le biais de leur association. 

Radio MA, la radio de MA scène nationale - © Zélie Noreda
Radio MA, la radio de MA scène nationale - © Zélie Noreda

MA scène nationale investit dans la création radiophonique. Comment un lieu de spectacle vivant intègre-t-il ce support ?

MA Scène Nationale n’a pas des bâtiments très visibles. Le territoire héritant d’une culture protestante, il n’y a pas d’architecture extérieure opulente. Par ailleurs, c’est une zone qui mérite une narration de son histoire, des vies qui l’irriguent, de son patrimoine industriel, etc. Parmi les missions d’une scène nationale figure la médiation et la radio me semble être un outil idéal pour cela, mais pas que.

L’un des quatre espaces que nous occupons, Ars Numerica, abritait un ambitieux projet de centre de création numérique intitulé CICV-Pierre Schaeffer. Nous souhaitons y implanter un pôle de création radiophonique soutenant à la fois la radio dite « d’auteur », mais aussi la création sonore dans le sens large du terme, à travers des projets ancrés sur le territoire ou des enquêtes journalistiques. 

Depuis 2019, nous travaillons avec un comité d’artistes navigant entre scène et fiction radiophonique, et avons déjà produit quelques projets sur notre budget de fonctionnement courant et quelques aides départementales. Nous attendons la validation d’une aide de 500 000 euros pour pousser plus loin l’expérience, une enveloppe mêlant des aides du Ministère de la Culture, de la DRAC, de l’agglomération PMA et de la Région. Nous projetons un festival de trois jours autour du 15 septembre 2022, des résidences de création, des formations à l’adresse du monde scolaire, un prix lycéen du podcast et des moyens de production en dur.