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Naturisme au musée : comment s’organisent les visites nues au Musée Maillol (Paris)

Par Sylvain Chantal | Le | Sécurité, accueil

Les 10, 11 et 17 novembre 2022, le Musée Maillol (Paris 7e) propose des visites nues, en écho à l’exposition « Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps ». Les 700 places ouvertes à la réservation ont été prises d’assaut pour ces événements organisés avec le producteur belge Tempora et la Fédération française de naturisme (FFN). Ted Anspach, vice-président de l’Association des naturistes de Paris (ANP), revient sur les raisons de cet engouement et sur les aménagements logistiques qu’implique cette initiative.

Exposition « Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps » - © Musée Maillol
Exposition « Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps » - © Musée Maillol

« Nous ne sommes pas juste une bande d’hurluberlus qui nous nous baladons le zizi à l’air. » Le propos liminaire de Ted Anspach a le mérite d’être clair. Vice-président de l’ANP et chargé de communication de la FFN, il défend une cause qui lui tient à cœur : le naturisme. Contactées par Tempora, agence belge de conception d’expositions, et le musée Maillol, l’association et la fédération ont accueilli avec intérêt la proposition d’organiser des visites nues de l’exposition Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps qui se déroule jusqu’au 05 mars 2023 au Musée Maillol à Paris.

Ce n’est évidemment pas neutre de visiter une exposition en étant nu. Il y a vraiment un échange sensitif avec l’œuvre d’art. On la regarde et on la ressent différemment. C’est une expérience sensorielle à vivre, même pour des gens qui ne sont pas naturistes. Il faut le faire une fois dans sa vie.

Neuf créneaux sont ainsi prévus les 10, 11 et 17 novembre 2022, qui donnent l’occasion à l’APN et la FFN de véhiculer leur message : « Le naturisme est une philosophie de vie et nous avons ainsi l’occasion d’expliquer cette démarche qui peut sembler un peu radicale. Ce n’est évidemment pas neutre de visiter une exposition en étant nu. Il y a vraiment un échange sensitif avec l’œuvre d’art. On la regarde et on la ressent différemment. C’est une expérience sensorielle à vivre, même pour des gens qui ne sont pas naturistes. Il faut le faire une fois dans sa vie. »

Et force est de constater que cette initiative originale plaît puisque les 700 billets se sont écoulés en un mois. « C’est formidable et cela prouve le dynamisme du naturisme à Paris, qu’on soupçonne peu. Tous les créneaux affichent complet. À tel point qu’on se demande si on ne va pas en ouvrir d’autres en décembre… Ce n’est pas surprenant car, à chaque fois qu’on monte des événements de ce type, les réservations partent très vite. » Les deux premières expériences, au Palais de Tokyo en mai 2018 et à la Cinémathèque Française en septembre 2020, ont en effet remporté le même succès.

Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps a déjà été présentée en Belgique (à Liège, du 22 novembre 2019 au 02 août 2020, et Bruxelles, du 25 juin au 12 décembre 2021), puis à la Sucrière à Lyon, du 11 février au 24 juillet 2022. Là encore, les associations de naturistes avaient été sollicitées. « Maintenant, cela marche tellement bien que ce sont les institutions culturelles qui nous contactent, raconte Ted Anspach. À juste titre d’ailleurs, car elles y trouvent un double intérêt : commercial d’une part, car cela permet de vendre des places, et médiatique d’autre part, car cela met un coup de projecteur sur la manifestation culturelle en question. »

Tout cela est organisé sur le système du bénévolat car c’est un des principes du naturisme : tout le monde donne un peu de son temps pour la cause commune : pour le vestiaire, l’accueil et la surveillance des œuvres.

Centrée sur la « représentation d’une foule de créatures immobiles, répliques troublantes du genre humain », comme le précise le texte de présentation, l’exposition offre la possibilité au visiteur nu de « comparer son corps » avec les œuvres exposées. Le parcours rassemble plus de quarante sculptures d’artistes internationaux, dont George Segal, Ron Mueck, Maurizio Cattelan, Berlinde De Bruyckere, Duane Hanson, Carole A. Feuerman, John DeAndrea… « Le mouvement hyperréaliste est assez connu. Ce sont des œuvres accessibles, qui parlent à toutes les générations. Vous les prenez directement en pleine figure. Le message est clair et affiché. Je ne pense pas qu’il y ait besoin de prévoir des visites guidées. Par le passé, cela nous est arrivé sur certaines expos extrêmement pointues, où les artistes sont venus présenter leurs œuvres. Mais là, pas besoin que quelqu’un vienne faire l’interface. »

Ted Anspach - © D.R.
Ted Anspach - © D.R.

Pas besoin de guide donc, mais quid du reste du personnel du Musée Maillol ? Une telle initiative nécessite certains aménagements logistiques car l’établissement ne dispose pas d’une équipe suffisante pour gérer la présence de quatre-vingt visiteurs déshabillés ni, du reste, de vestiaire assez conséquent pour entreposer quatre-vingt paires de chaussures ou autres soutiens-gorge et caleçons. « Les naturistes sont des gens très près de la nature et donc très “système D”. On sait organiser tout très vite, et avec rien. Nous montons donc notre vestiaire ad hoc. Nous accueillerons les gens, leur donnerons des bracelets, récupérerons leurs vêtements dans des sacs poubelle, que nous recyclons d’ailleurs de manifestation en manifestation. Quant au personnel du musée, nous ne l’obligeons évidemment pas à se déshabiller. C’est très important pour nous. Le naturisme est une expérience personnelle très forte, on lâche prise et on s’accepte tel qu’on est, mais c’est aussi une expérience dans le rapport à l’autre. Si on obligeait des gens à se déshabiller, cela n’aurait plus aucun sens. Évidemment, le personnel qui voudra rester habillé restera habillé. En général, cela se passe très bien. Je n’ai jamais eu d’écho d’un établissement culturel quelconque me rapportant un problème. »

Le sujet de la prise de photographies a également été réfléchi. Seule la visite ouverte à la presse le 10 novembre 2022 à 18 heures le permettra. « Ce jour-là, les téléphones et caméras seront autorisés pour les journalistes. À partir du moment où les gens ont accepté d’être filmés, nous les autorisons aussi à prendre des photos. L’inverse ne serait pas logique. En revanche, sur les autres créneaux, les photos seront interdites. Il est important de protéger la vie privée des uns et des autres. »