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Médiation : un chantier de fouilles pour les visiteurs du musée gallo-romain Claracq-Lalonquette

Le | Médiation

Après des travaux de deux ans entre l’hiver 2019 et juin 2021, le musée gallo-romain de Claracq (Pyrénées-Atlantiques) et site archéologique de la villa Lalonquette a inauguré ses nouveaux locaux le samedi 24 septembre. Directrice du musée, Marine Ibanez nous explique le déroulement de ce projet et le fonctionnement du chantier permanent de fouilles pour les visiteurs.

L’exposition permanente au musée gallo-romain Claracq-Lalonquette.  - © Xavier Dumoulin
L’exposition permanente au musée gallo-romain Claracq-Lalonquette. - © Xavier Dumoulin

Pourquoi vous êtes-vous engagé dans ce projet de rénovation ?

Notre premier musée a été inauguré en 2012 à Claracq, un petit village d’une zone rurale. Malgré son emplacement, notre ouverture à suscité beaucoup d’engouement. En 2017, nous avons obtenu le label musée de France. Après cette reconnaissance institutionnelle, notre communauté de communes des Luys en Béarn s’est mise à réfléchir sur les perspectives de développement scientifique et culturel de notre site. Notre musée était hébergé dans une ancienne grange adjointe à la mairie du village et mise à disposition par la municipalité. Le lieu n’était pas adapté pour recevoir des grands groupes et un public nombreux. La communauté de communes a donc initié le projet de rénovation. Les travaux ont débuté à l’hiver 2019 et la réception du bâtiment a eu lieu en juin 2021.

Le nouvel accueil du musée gallo-romain.  - © Marine Ibanez
Le nouvel accueil du musée gallo-romain. - © Marine Ibanez

Cette rénovation a coûté 1,5 million d’euros. Elle a été financée par le programme européen Leader (Liaison Entre Action de Développement de l’Économie Rurale), la DRAC de la Nouvelle-Aquitaine, le département des Pyrénées-Atlantiques et la préfecture via une Dotation des Équipements des Territoires Ruraux (DETR). La communauté de communes des Luys en Béarn a également financé les travaux. Tous ces acteurs ont contribué à hauteur de 70 %, le reste était à notre charge. Au départ, nous disposions de 400 m². Nous avons à présent 1 000 m² répartis en quatre salles d’exposition permanente, une salle d’exposition temporaire et une réserve archéologique.

Comment expliquez-vous votre croissance rapide en seulement dix ans ?

Dès notre ouverture, nous avons opté pour une stratégie de développement basée sur la pédagogie et l’accueil des publics scolaires. Nous recevons régulièrement des classes du CP à la 3e. Nous avons également un partenariat institutionnel avec l’Université de Pau et des pays de l’Adour. Nous agissons auprès des étudiants en archéologie, muséologie et médiation du patrimoine. Ils ont la possibilité d’effectuer des stages auprès de nous, notamment en fin d’études.

Notre objectif est de recevoir les publics scolaires pour les initier à l’archéologie afin qu’ils puissent ensuite faire la promotion du musée et amener leur famille ou leur entourage.  Dans notre cas cela a été une stratégie de rayonnement rapide car notre fréquentation a vite augmenté.

Le numérique n’est pas toujours gage d’innovation. Il est possible de se réinventer autrement.

En 2015 les inspecteurs académiques et les enseignants du territoire ont affirmé leur volonté de voir les élèves découvrir et pratiquer l’archéologie. Ils nous ont demandé de fabriquer un module et des outils pour cette initiation. Nous avions eu l’idée provisoire de créer un site de fouille archéologique en extérieur  sur 10 m de long pour accueillir une classe entière. La création de ce lieu a eu un tel succès que le provisoire est devenu permanent.

On circule autour et à l’intérieur de cet espace situé au centre du musée, comme on circulerait autour d’un péristyle de villa gallo-romaine. Dans cet espace on trouve la restitution d’une partie de la villa gallo-romaine de Lalonquette. L’objectif est de présenter aux enfants le métier d’archéologue. On leur remet le kit parfait de l’archéologue avec une truelle, une pelle et des pinceaux. En équipe, ils dégagent ce vaste module de fouille, jusqu’à rencontrer des restitutions de vestiges. Il y a plusieurs salles identifiées sur la villa gallo romaine : des thermes, des cuisines et d’autres pièces. À l’issue de leurs découvertes et de leurs analyses, ils doivent désigner les salles qu’ils ont trouvé sur le site. Nous venons ensuite confronter leurs hypothèses aux objets archéologiques qu’ils ont trouvés pour vérifier si oui on non, nous sommes bien dans des thermes, une cuisine ou une autre pièce. Les publics scolaires apprécient énormément ce module de découverte par la pratique. La promotion du musée se fait ensuite naturellement.

Comment votre offre de médiation est-elle accueillie ?

Initialement destiné aux enfants, cet outil pédagogique s’étend au grand public. Il est au cœur de notre offre. Ce dispositif est plébiscité par les familles qui prennent plaisir à jouer aux apprentis archéologues. C’est un outil pédagogique très efficace lors des grands évènements nationaux comme les journées du patrimoine ou celles de l’archéologie. Ce module nous permet de proposer une activité en famille où les parents participent. Il y a une forte connexion entre les visiteurs et les objets, mais également entre les visiteurs eux-même.

Module d’initiation à la fouille archéologique.  - © Musée gallo-romain.
Module d’initiation à la fouille archéologique. - © Musée gallo-romain.

Que ce soit avec les publics scolaires ou les autres, l’atelier se termine par une présentation de nos réserves archéologiques vitrées. En fonction de l’heure, on peut voir des acteurs de la conservation travailler à l’intérieur des espaces vitrés, directement sur les vestiges. Observer cela permet au public de mesurer l’importance du travail autour d’une collection. Les visiteurs se rendent compte de l’ampleur du travail d’analyse,  de recherche, de nettoyage et de remontage à effectuer.

Le public peut faire d’autres activités. Nous avons un jeu de reconstitution par réalité virtuelle. Le visiteur regarde une vidéo de la villa gallo-romaine de Lalonquette avec des images de synthèse. Comme dans un puzzle, il doit ensuite remettre chaque pièce et objet présenté à sa place pour obtenir une image de la villa.

Nous proposons également d’autres ateliers pédagogiques d’artisanat : les visiteurs, notamment les enfants, s’essayent à la poterie, la mosaïque, la fresque ou la frappe de monnaie. Comme dans chaque musée, nous dispensons bien sûr des visites guidées. Les visiteurs ont accès à des visites commentées qu’ils peuvent choisir en fonction de leur âge. Dans chaque salle d’exposition, nous proposons un module pédagogique qui permet de balayer la thématique de la salle. Notre équipe de médiation compte deux médiateurs en CDI à temps plein. Nous faisons ensuite appel à des médiateurs saisonniers en CDD. Tout notre personnel de médiation est issu d’un cursus scientifique.

Le musée gallo-romain Claracq-Lalonquette rénové. - © A. Basse-Cathalinat
Le musée gallo-romain Claracq-Lalonquette rénové. - © A. Basse-Cathalinat

Pourquoi ne pas avoir accordé une plus grande place au numérique dans votre rénovation ?

Quand on parle de futur, on a cette tendance à associer avenir à numérique et réalité virtuelle. Or le numérique n’est pas toujours gage d’innovation. Il est possible de se réinventer autrement. Dans notre cas nous avons fait ce choix volontairement pour affirmer notre identité et poursuivre notre objectif : initier le public à la culture par la pratique. Notre politique est de créer du lien et de privilégier la manipulation d’objet au virtuel, même si celui-ci présente de nombreux autres avantages. Nous proposons un maximum de contenus en présence de médiateurs pour emmener des échanges et permettre aux visiteurs de s’initier à l’archéologie par une expérience tangible. C’est d’ailleurs dans cette idée que nous avons conservé notre atelier de conception. Nous fabriquons nos outils  sur place, pour que les visiteurs puissent les voir puis les manipuler lors des modules. Cela nous permet également de peu sous-traiter.