Production

Classique : l’Orchestre National d'Île-de-France cultive en ligne le lien avec son public

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

Pratiquement privé de scène depuis le début de la crise comme la majorité du secteur musical classique, l'Orchestre National d'Île-de-France a optimisé ses outils numériques pour conserver du lien avec son public. Un succès qui s’est traduit par de fortes audiences en ligne, selon sa directrice générale Fabienne Voisin.

L’ONDIF à la Philharmonie de Paris (19e). - © Christophe Urbain
L’ONDIF à la Philharmonie de Paris (19e). - © Christophe Urbain

Quelle stratégie numérique avez-vous mis en place pour poursuivre la mission de l’ONDIF durant la crise ?

Nos musiciens se sont produits individuellement, sous des formes adaptées, dans le milieu social et hospitalier de la région.

L’Orchestre National d’Île-de-France (ONDIF) est un orchestre de proximité unique dans son fonctionnement de diffusion régionale au plus près des Franciliens : il donne quelques 100 concerts par an, fréquente une soixantaine de salles en Ile de France et est résident à la Philharmonie de Paris. Il effectue un travail poussé en matière d’actions culturelles, majoritairement participatives, destinées aux enfants et à l’égard des publics éloignés sur l’ensemble du territoire francilien. Il nous était donc vital d’utiliser toutes les solutions numériques pour maintenir tant que possible l’activité, le lien avec le public et aussi l’action culturelle qui fait partie de nos missions. Lors du premier confinement, nous avons d’abord proposé des concerts d’archive et imaginé une programmation quotidienne pour chaque âge : concerts tout public, concerts pour enfants, créations de reportages avec les adolescents que nous avons pu solliciter à distance en lieu et place des restitutions prévues, etc.

Dès la fin du premier confinement, grâce à notre studio d’enregistrement « Le Studio », nous avons pu proposer quatre concerts en ligne. Entre la fin du premier confinement et l’été, l’orchestre a pu se produire en public une fois au Château de Fontainebleau (77), pour les soignants du département. Nos musiciens se sont également produits en musique de chambre, sous des formes adaptées, dans le milieu social et hospitalier de la région dont les EPAHD dans le cadre des opérations organisées par la région et le Ministère de la culture.

Le directeur musical de l’ONDIF, Case Scaglione - © Christophe Urbain
Le directeur musical de l’ONDIF, Case Scaglione - © Christophe Urbain

Par la suite, l’Orchestre a pu débuter sa saison, se produire en Ile-de-France et à la Philharmonie de Paris. Lors du second confinement, nous avons diffusé des concerts en direct et avons pour cela impliqué les salles franciliennes dans lesquelles l’orchestre devait se produire : les concerts donnés en direct, sont chacun précédés d’une conférence (« Clef d’écoute ») qui guide le spectateur à la découverte des œuvres. Les concerts ont eu lieu en direct de l’Opéra de Massy, du centre culturel de Villeparisis, de Meaux … L’enregistrement de ces concerts sur des scènes franciliennes renforce notre lien régional, et permet par le cross-postage (diffusion simultanée sur les réseaux des scènes concernées) de toucher le public des concerts annulés : le spectateur est accueilli par un présentateur entouré de quelques musiciens de l’Orchestre. Nous avons aussi conçu un « voyage dans les œuvres » en utilisant les outils numériques sur les concerts déjà enregistrés.

Ces nouveaux formats de « diffusion augmentée » ne remplacent évidemment par le concert : ils permettent de créer un lien différent. Nous avons souhaité saisir ces moments de contraintes pour imaginer autrement la rencontre avec le public et tenté des expériences immersives qui seront certainement reprises. 

Ces formats ont stimulé le public, puisque nous avons connu une augmentation de 35 à 40 % de suivi des concerts en ligne par rapport à nos chiffres d’avant la crise. Ces chiffres sont aussi le résultat du « cross-postage » sur les multiples plateformes et réseaux sociaux des lieux qui devaient nous accueillir. Afin de conserver cet esprit de proximité, nous avons en somme organisé une « tournée en ligne ». Les audiences sont le cumul des différents publics ayant suivi les concerts via les réseaux de ces lieux. 

À quel point la saison de l’ONDIF a-t-elle été affectée et comment prévoyez-vous la réouverture de certains lieux culturels ?

De mars à juillet, 33 concerts ont été annulés, 10 de plus en novembre et plus d’une centaine d’actions culturelles ont été interrompues. Concernant la reprise, nous avons prévu différents scenarios qui s’adapteront aux directives sanitaires afin de permettre de continuer de jouer dans le réseau régional, notamment la dernière semaine de décembre. Nous avons la possibilité, la volonté et le devoir d'être très réactifs, étant un orchestre porté par une mission de service public, il est de notre responsabilité de garder une activité tant qu’on le peut pour le public.