Production

Émergence : les Inouïs du Printemps de Bourges, plus motivés que jamais !

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

C'était attendu : squattée par les gros noms, la relance musicale laisse très peu de place aux jeunes artistes. L’espoir est pourtant de mise du côté des Inouïs : après deux promotions maintenues à huis-clos, le dispositif national d’accompagnement du Printemps de Bourges (Cher) lance celle de 2022. Sa directrice Rita Sa Rego relève la solidarité de la filière autour de l'émergence.

Phaon, un des lauréats chanson/pop de la promotion 2022. - © Kathleen Missud
Phaon, un des lauréats chanson/pop de la promotion 2022. - © Kathleen Missud

Le sort de l'émergence en sortie de crise inquiète le secteur. Quelle est votre lecture de la situation ? 

L’embouteillage tant craint est effectivement là : les gros noms sont de retour, sortent les projets qu’ils ont retenus pendant toute la pandémie et occupent toute la place, réduisant sensiblement celle de l'émergence. À la différence des émergents, ils sont attendus même après avoir été absents pendant deux ans. Les jeunes artistes, encore inconnus, doivent redoubler d’effort pour être visibles, et n’en ont  pratiquement pas eu l’occasion pendant deux ans, d’où un creux à corriger. Ce constat est valable pour les artistes dits « middle », qui étaient en cours de confirmation. Il est aussi à noter que les effets de la crise s'éternisent, le secteur est loin d’avoir retrouvé sa stabilité d’avant la crise. 

Dans ce contexte, la défense de l'émergence relève pratiquement de l’action sociale.

Par le passé, les sociétés de production pouvaient estimer leur retour sur investissement quand ils s’engageaient sur un artiste en développement. Aujourd’hui, c’est impossible, il n’y a plus de perspective. C’est donc un investissement quasiment à perte, qui continue néanmoins d'être fait.

Toute la filière connaît l’importance du renouvellement de la scène, les producteurs de spectacle sont tenus de renouveler leur roster, coûte que coûte. Dans ce contexte, la défense de l'émergence relève pratiquement de l’action sociale. Ainsi, personne n’a baissé les bras et les têtes chercheuses sont toujours à l’affût, conscientes qu’il faut toujours stimuler l’intérêt du public. Les producteurs continuent de soutenir, quand bien même ils sont en grosse difficulté. 

Certes, les places se sont encore réduites, mais il en reste, elles existent. Les programmateurs sont solidaires, et organisent des soirées découverte, en veillant autant que possible à attirer du public avec un artiste plus confirmé. Nous savons cependant que leur soutien a une limite, et que les salles sont tenues à une réalité économique. 

Comment les jeunes artistes ont-ils traversé cette période ?

Nous n’avons pas enregistré de défection ni d’abandon. Aucun artiste n’a jeté l'éponge, malgré de grands moments de doute. Des deux promotions qui se sont déroulées pendant le cycle pandémique, personne n’a renoncé. Seuls les artistes québecois (un dans chaque promotion) n’ont pu suivre notre programme du fait des restrictions sur les transports internationaux. 

Nous avons enregistré une augmentation des inscriptions par rapport aux années précédentes.

Les Inouïs se sont maintenus tout au long de la crise dans des conditions parfois périlleuses. Notre accompagnement et nos résidences ont été assurés. L’an dernier, les auditions ont eu lieu en plein pendant les restrictions sanitaires, devant des publics assis et masqués. Certains artistes sont sortis de scène en se jurant de ne plus jamais jouer dans ces conditions - ce type d’expérience peut être douloureuse pour des jeunes de 21 ou 22 ans. 

Il émerge de la crise une génération d’artistes qui évolue hors scène, uniquement en ligne via le streaming, les clips vidéo, les contenus sur les réseaux sociaux, avec de nouveaux styles comme l’hyperpop. Le parcours café-concert et club, courant pour les jeunes artistes, a été suspendu pendant deux ans, ils sont donc vierges de toute scène, et en oublient presque qu’ils doivent nécessairement passer par là pour se faire connaître. Dans certains cas, il faut même les pousser à faire des concerts. C’est aussi une génération née avec un sens des réalités que les précédentes n’ont pas. 

Comment abordez-vous cette nouvelle promotion ? 

Nous avons enregistré une augmentation des inscriptions par rapport aux années précédentes, ce qui était inattendu. La créativité n’a donc jamais cessé, et la situation n’a dissuadé personne, bien au contraire. L'émergence, en soi, n’est pas en danger. 

Cette promotion sera la première à retrouver des conditions normales, d’avant-crise, avec un public debout, sans masque ni pass vaccinal. Nous mettons cette année en place une « classe verte » sur les bords de l’Auron pendant le Printemps de Bourges, un stage de structuration professionnelle en plein air, pour marquer ce retour au présentiel.