Production

Eurockéennes de Belfort : la formule « En Résidence Secondaire » peut-être reconductible

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

La crise est aussi l’occasion d’expérimenter de nouveaux formats, et les Eurockéennes de Belfort (Territoire de Belfort) l’ont saisie. Du 20 au 24 juillet, « En Résidence Secondaire » a accueilli 5 000 festivaliers sur cinq jours, un format que son directeur Jean-Paul Rolland n’exclue pas de reconduire.

Le groupe Catastrophe sur la scène flottante du festival. - © Victorien Del Tatto
Le groupe Catastrophe sur la scène flottante du festival. - © Victorien Del Tatto

Comment s’est montée cette édition atypique des Eurockéennes ? 

Une scène a été montée sur l’eau, à laquelle artistes et techniciens accédaient par une barge, un rituel auquel le public pouvait assister.

Dès les annonces gouvernementales d’avril concernant les conditions de réouverture des lieux culturels, nous nous sommes lancés dans la production d’une événement de moins de mille personnes, évitant ainsi le pass sanitaire pour faciliter les choses dans un premier temps, selon le protocole en vigueur alors. Nous avions deux mois pour concevoir un petit festival, qui ne serait pas une « mini-édition » mais un concept à part. Nous sommes partis sur une durée de cinq jours, deux scènes et des soirées de 18h à minuit, avec une trentaine d’artistes au total. Étant donné les dimensions de la manifestation, nous avons envisagé une restauration plus poussée, en invitant des chefs reconnus, et une scénographie plus sophistiquée qui exploiterait des lieux habituellement inaccessibles au public. 

Dès que nous avons eu de la visibilité concernant la sauvegarde de notre structure à l’année grâce à diverses aides nationales, nous avons concrétisé l’opération. Le projet a été présenté à nos mécènes, nous leur avons proposé une formule avec table réservée, ils nous ont suivi à hauteur de 40 % du budget. Le Conseil Départemental et la Région nous ont apporté une aide à peu près équivalente, et nous avons complété avec une part de billetterie très faible, d’environ 14 %. L’entrée pour une soirée était à 25 euros, avec des billets à 10 euros pour les moins de 19 ans. Le budget total était de 600 000 euros. 

Quelle forme a pris l’expérience au final et comment le public y a-t-il répondu ? 

Une scène a été montée sur l’eau, et artistes et techniciens y accédaient par une barge, un rituel auquel le public pouvait assister. Un tiers des groupes programmés étaient étrangers, bien que quelques-uns soient basés en France et, à l’exception de la chanteuse d’un groupe qui n’a pas eu son visa, tous ont pu venir. Une seconde scène était consacrée aux DJ-sets, avec une programmation bass music, sound system et reggae. 

La décoration mettait en valeur le lieu de façon spectaculaire, elle a été signée par le collectif de Roubaix Art Point M. Un restaurant champêtre a été dressé, les menus correspondaient à des traditions culinaires internationales - 1 000 dîners ont été vendus en moins d’un quart d’heure lors de leur mise en vente.

Nous essayons d’interpréter les nouvelles habitudes des consommateurs.

Le pass sanitaire étant finalement appliqué à tous les événements de plus de 50 personnes, nous avons remis en vente un millier de tickets. Cela a relancé les ventes, mais nous ne voulions pas sortir de ce format à environ 1 000 personnes par soirée. C’est justement cette petite jauge, la décoration et la proposition culinaire qui ont donné un ton spécial à l’événement. Les gens étaient habillés comme s’ils sortaient en club. 

Bien sûr, il n’y a pas eu de camping cette année, et lorsque les gens nous le demandaient, nous les orientions vers les campings municipaux. Forcément, le public a été beaucoup plus local, ce qui était notre projet de départ - quelques étrangers sont tout de même venus. 

Enfin, économiquement, nous sommes à l’équilibre. 

L’application du pass sanitaire a-t-il compliqué les choses ? 

Finalement, pas du tout. Nous nous sentions prêts pour l’appliquer, puisque nous avions été investis sur le concert-test de l’Accor Arena et que nous travaillons depuis longtemps sur cette question avec notre prestataire de billetterie Weezevent. Lors de son entrée en vigueur, nous avons proposé le remboursement aux détenteurs de billets : seuls 87 l’ont choisi sur 5 000. 

Sur place, une équipe de la Sécurité civile proposait des tests en cas de litige : entre 50 et 200 ont été faits par jour, et aucun n’a été positif. C’est la Préfecture qui a pris en charge ce volet-là, dans le cadre d’un contrat avec l’Agence Régionale de Santé. La référente Covid embauchée en amont et le personnel effectuant les contrôles étaient à notre charge. Le seul problème rencontré a concerné l’invalidité de quelques pass sanitaires étrangers, mais cela a pu facilement être réglé. 

Le cuisinier François Adamski en cuisine. - © Zelie Noreda
Le cuisinier François Adamski en cuisine. - © Zelie Noreda

Comment se prépare l’édition 2022 ? 

Prudemment. Nous avons reporté Muse, dont la soirée est déjà complète, et nous avons signé une dizaine de têtes d’affiche. Nous sommes à un moment charnière de la crise, avec le début de l’effet vaccination, du pass sanitaire, et une rentrée encore incertaine, avec des ventes assez faibles de billetterie pour les salles, alors que le secteur s’impatiente toujours davantage de reprendre une activité normale. Nous concernant, l’expérience de Résidence Secondaire nous inspire peut-être d’en faire un module pérenne, en marge du festival lui-même - qui, rappelons-le, réunit jusqu’à 135 000 personnes. Pour l’instant, nous essayons d’interpréter les nouvelles habitudes des consommateurs, avec les éléments dont nous disposons.