Production

Culture et ruralité : comment Comédie de Valence et Cratère d’Alès emmènent les artistes aux villages

Le | Diffusion, booking

Après un premier article sur les projets menés pour faire vivre la culture dans les villages de leurs départements, Marc Lainé, directeur de la Comédie de Valence - Centre dramatique national de Drôme-Ardèche, et Olivier Lataste, directeur du Cratère - Scène nationale d’Alès (Gard), nous expliquent comment ils travaillent avec les artistes pour agir en milieu rural.

La salle de la Comédie de Valence, CDN de Drôme-Ardèche. - © Christophe Raynaud de Lage
La salle de la Comédie de Valence, CDN de Drôme-Ardèche. - © Christophe Raynaud de Lage

Quelles-sont vos méthodes de travail pour collaborer avec les artistes en milieu rural ?

Travailler de cette manière permet aux artistes de vivre une véritable immersion dans la vie de ces villages.

Comédie de Valence - Lors de la saison itinérante, les artistes occupent un rôle de leader dans le travail d’éducation artistique auprès des populations rurales. Ils sont au cœur de la fabrication des spectacles et ils se chargent également des ateliers avec le public. Le processus de fabrication et le travail d’exécution vont de pair. Nous accordons une grande importance au fait que les artistes prennent part à ces deux étapes en dépassant le rôle de simple interprète. La saison itinérante requiert une grande implication de leur part car ils s’engagent dans une tournée des villages qui dure près d’un mois.

Par exemple, lors de la tournée du spectacle Tünde du 25 mars au 15 avril dernier, les deux acteurs rencontraient le public après le spectacle lors d’un moment de convivialité autour d’un dîner et durant des ateliers. Travailler de cette manière permet aux artistes de vivre une véritable immersion dans la vie de ces villages.

Le Cratère - Nous collaborons avec les acteurs locaux tels que les associations et les mairies. Si nous voulons atteindre l’objectif de renforcer le lien social par l’action culturelle, il est essentiel de prendre leurs voix en compte car ce sont eux qui connaissent le mieux la population. Afin d’être plus efficaces, nous travaillons actuellement à la mise en place de partenariats pour avoir des artistes associés lors de chaque saison décentralisée.

Pour la saison prochaine, nous aurons une structure composée de huit équipes artistiques associées au Cratère. Il y aura deux pôles avec d’une part quatre compagnies de théâtre et de danse pour apporter une expertise de la scène, et d’autre part quatre compagnies spécialisées dans les arts de la rue. Travailler avec des artistes associés sur le long terme est une solution pour permettre au public de mieux identifier les actions déployées par le Cratère. C’est un moyen efficace pour créer un lien entre les populations rurales et leur Scène Nationale. Ce type de collaboration forme les artistes à travailler directement avec leur public.

Une représentation organisée par le Cratère à Portes (Gard). - © D.R.
Une représentation organisée par le Cratère à Portes (Gard). - © D.R.

 

Au niveau artistique, la programmation est-elle différente en milieu rural ? 

Comédie de Valence - Nous poursuivons notre rôle de Centre dramatique national qui est de donner à voir toute la diversité des formes du théâtre contemporain. Les milieux ruraux sont parfois négligés et peuvent se retrouver en état de désert culturel. Nous mettons tout en œuvre pour éviter cette situation et cela passe par le fait d’inviter les grands auteurs à venir dans les villages.

Nous l’avons fait à la fin de l’année dernière avec Dieudonné Niangouna en proposant son spectacle De ce côté lors de la saison itinérante. Au moment d’établir la programmation, il faut se rappeler du véritable rôle de la culture. La quête de sens est primordiale pour les artistes et le public. La culture impacte l’imaginaire mais elle influence aussi le réel. Les spectacles ont le pouvoir de bouleverser la vie des gens quand les thématiques abordées touchent directement leur quotidien.

C’est pour cela que nous abordons des sujets sociétaux importants dans les spectacles que nous proposons lors de la saison itinérante. Par exemple, certaines représentations traitent d’écologie, avec une réflexion sur le rapport de l’individu à la nature au travers de sa relation avec son territoire local. Lors de la diffusion du spectacle Tünde ces dernières semaines, il y a eu une réflexion menée sur la notion d’identité et d’intégration. C’est un spectacle qui résonne politiquement. Le rôle de la culture et de l’artiste est d’emmener ce genre de questionnement.

Dans les milieux ruraux, les codes sociaux ne sont pas les mêmes, les réactions sont sans filtre. Le rapport humain est beaucoup plus direct et c’est ce que nos équipes et les artistes apprécient.

Le Cratère - En zone rurale, certains sujets sont plus délicats à aborder que d’autres, à l’image de la sexualité ou tout ce qui concerne le rapport à la nudité. Cependant nous n’avons pas une programmation spécifique dédiée aux milieux ruraux. Les artistes avec lesquels nous travaillons souhaitent aborder des sujets de société, ce qui va dans le sens de notre vision. Nous croyons que la culture doit servir à bâtir une meilleure société.

Par exemple, après les confinements, nous avons travaillé avec des artistes proposant des spectacles qui apportent de la joie et de l’espoir. De plus en plus de mairies demandent qu’on leur propose une programmation qui améliore la santé psychologique de la population. Renforcer le vivre ensemble au niveau de chaque tranche de la population est également un besoin exprimé par plusieurs collectivités territoriales. Cela nous conduit à travailler avec les artistes sur une programmation intergénérationnelle.

Quels sont les réactions du public lors de votre saison décentralisée ?

Comédie de Valence - Le public montre beaucoup d’enthousiasme. La fréquentation des spectacles lors de notre saison itinérante est légèrement plus élevée qu’avant la crise sanitaire. Cela témoigne d’un vrai besoin d’avoir une offre culturelle constante en milieu rural.

Le Cratère - Le public nous motive à poursuivre notre déploiement et à aller dans plus de villages. Les retours sont très positifs. Dans les milieux ruraux, les codes sociaux ne sont pas les mêmes que dans les milieux urbains. Les réactions sont sans filtre. Le rapport humain est beaucoup plus direct et c’est ce que nos équipes et les artistes apprécient lors des déplacements.