Producteurs : malgré la crise, WSpectacle a continué à développer ses artistes
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
Grâce à un roster d’artistes français en développement, WSpectacle est parvenu à maintenir une activité décente tout au long de la pandémie. Cela ne préserve pas pour autant le producteur de spectacle des pénuries techniques dont souffre toute la filière, relève son directeur Simon Nordet.
Les artistes de votre catalogue appartiennent à cette catégorie dite « intermédiaire » qui aurait le plus souffert. Comment avez-vous ainsi traversé la crise ?
Finalement, plutôt bien. 2020 était censé être, nous concernant, une année record si le covid n’avait pas frappé. Notre croissance en 2019 était exceptionnelle, nous avions donc un gros potentiel à développer l’année suivante. Forcément, cela n’a pas été le cas, mais nous avons pu nous maintenir décemment, notamment en maintenant en vie tout ce qui pouvait l’être pendant toute la crise. Sur les deux mois de travail de 2020 et la demi-année de 2021, nous avons adapté en assis tous nos artistes qui le pouvaient et le souhaitaient.
Il se trouve que notre roster comporte beaucoup d’artistes français qui pouvaient se prêter au réseau assis, voire le pratiquaient déjà. C’était donc jouable, nous en avons profité et cela nous a garanti un volume de travail décent. Nous avons ainsi toujours continué à signer de nouveaux artistes et à monter des tournées même sans visibilité. L’arrêt presque total de la filière donnait aussi une certaine opportunité pour développer certains projets sans concurrence en face. En fin de compte, certains artistes ont réussi à s’affirmer, à trouver leur place.
Nous avons cependant perçu des aides, ce qui nous a permis de nous préserver structurellement, et même de continuer à recruter.
Le roster de WSpectacle
Gauvain Sers, Suzane, Ayo, Jean-Louis Murat, Bazbaz & Manudigital, Bertrand Belin, David Walters, Calling Marian, Christian Loffler, Florent Marchet, DJ Lag, Fredrika Stahl, Gaspard Royant, General Elektriks…
Les difficultés en termes de fréquentation vous ont-elles malgré tout affecté ?
Bien sûr. Les phases d’interdiction d’événements debout étaient nuisibles aux événements assis. Le public n’avait plus envie de chercher à savoir si le concert allait avoir lieu ou non, et c’était compréhensible. De mars à mai, cette année, c’était compliqué.
Les ventes « last minute » ne rattrapent pas les pertes.
Aujourd’hui, l’omniprésence de quelques grosses têtes d’affiche sur les réseaux sociaux donne l’impression que tout est reparti comme avant, mais c’est l’arbre qui cache la forêt. Les ventes de dernière minute sont devenues la norme, mais il ne faut pas se mentir : elles ne rattrapent pas les pertes.
Aller chercher le public n’a jamais été aussi dur. Capter l’attention du public pour lui soumettre nos artistes demande des prouesses en communication que nous n’avions pas à fournir auparavant - notamment sur les réseaux sociaux, où nous sollicitons directement nos artistes pour qu’ils se manifestent eux-mêmes. Certes, un artiste comme Gauvain Sers était dans une bonne dynamique et il a continué son développement pendant la crise. Seulement, ce développement aurait été bien plus rapide sans la crise, inévitablement.
Comment gérez-vous les pénuries techniques dont souffre actuellement la filière du live ?
Là encore, c’est une charge de travail supplémentaire colossale, à laquelle nous n’avions pas à faire face avant-crise. Il y a un très gros manque de profils techniques (backliners, ingénieurs vidéo, etc) pour monter nos tournées, et ces trous dans les effectifs génèrent des situations stressantes. Des gens du métier ont arrêté et la nouvelle génération n’a pas encore repris le flambeau - ce qui peut se comprendre, il fallait être particulièrement déterminé pour s’engager dans un tel secteur pendant la période que nous avons traversée. Nous sommes donc amenés à travailler avec du personnel que nous ne connaissons pas, avec lequel nous n’avons pas de repères, ce qui demande donc plus de temps de repérage, puis de formation, et s’avère évidemment chronophage.
À cela s’ajoutent les difficultés en provision de matériel de scène et l’augmentation de son prix. Les prestations son et lumière ont explosé, et il est parfois difficile de retrouver des tarifs qui nous permettent de travailler correctement. L’équilibre économique des tournées, déjà difficile en temps normal, est à nouveau fragilisé et rajoute une tension. Beaucoup avaient alerté sur ces problématiques inédites de production, mais la crise en soi étant déjà tellement complexe à négocier sur le moment, il était impossible de les prévenir d’une façon ou d’une autre.