Production

Salles de concert : la Marbrerie « en saison beta » depuis la reprise

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

En ascension depuis sa création en 2016, la Marbrerie, salle de concert montreuilloise (Seine-Saint-Denis), a été stoppée dans son élan. Actuellement, elle connait une reprise encourageante. Équipes, équilibre financier : c’est tout un fonctionnement à roder de nouveau pour Jérémy Verrier, directeur et programmateur du lieu.

Le lieu a rouvert le 30 juin. - © Philippe Levy
Le lieu a rouvert le 30 juin. - © Philippe Levy

Comment votre lieu s’est-il remis en activité en interne ? 

Nous sommes une structure privée, lancée en 2016, qui connaissait une progression de 30 % d’activité par an avant la pandémie. Nous étions encore en développement quand la crise a commencé. Une entreprise comme la nôtre a besoin de cinq à sept ans pour s’installer réellement. Par chance nous n’avons pas été frappés dans notre première année, nous avions déjà deux ou trois bilans à notre actif, et nous jouissions déjà d’une certaine stabilité. 

Il nous faudra un an pour retrouver nos méthodes et notre rythmes de travail.

Pour autant, nous étions encore en structuration, et se relancer est plus délicat pour nous que pour d’autres entités plus installées, qui vivent sur une économie différente. Cela a été une perte de temps et d’élan pour nous, la remise en route est complexe. Il est plus difficile aujourd’hui de reprendre les bonnes habitudes, d’embaucher du personnel, de le stabiliser. La situation est tellement glissante que tous les prétextes sont bons pour les désistements de tout ordre. Le lieu propose aussi un restaurant, et il n’est pas facile de le refaire tourner normalement. Quant aux privatisations, elles reprennent tout juste, et c’est un soulagement, car notre équilibre économique repose sur le trio « cantine, privatisation, spectacle ».  

J’ai d’abord cru qu’il nous faudrait trois ou quatre mois pour reprendre notre routine, mais les équipes ont été vite épuisées à la reprise en septembre. J’estime maintenant qu’il nous faudra un an pour retrouver nos méthodes et notre rythme de travail - si la pandémie ne nous cantonne pas à nouveau à des périodes de fermeture. Pour nous, c’est une saison béta avant une vraie reprise en 2022.

Économiquement, quels sont les enjeux du moment ? 

De ce côté-là, j’estime qu’il nous faudra trois ans pour retrouver des finances stables. Malgré leurs quelques dysfonctionnements, les fonds de solidarité et aides ont été vitaux à notre survie. Le Centre National de la Musique, pourtant tout juste établi et donc pas équipé pour répondre à ces urgences, nous a incroyablement aidé, tout comme les collectivités locales, la région, le département.

Nous avons contracté un PGE, ainsi qu’un prêt rebond auprès de la BPI. Nous nous sommes endettés à hauteur de 300 000 euros. C’est une dette qui peut nous mettre en péril à l’avenir. Naturellement, je ne demande pas le non remboursement, mais un étalage sur une dizaine d’années peut-être, en raison de la spécificité de notre secteur. Le remboursement à partir de 2022 ne me semble pas réaliste, vu d’ici. 

Par ailleurs, sur le versant information, le Prodiss, le SMA et le Réseau MAP ont en quelque sorte pris le relais du Ministère de la Culture qui est beaucoup plus discret depuis que le secteur a plus ou moins repris. 

Laake en concert à la Marbrerie. - © Gwénaël Sérieys
Laake en concert à la Marbrerie. - © Gwénaël Sérieys

Quel volume et quel type de programmation avez-vous repris et comment le public y répond-il ? 

Le comportement « à la dernière minute » du public nous prive de visibilité, ce qui n’aide pas à la sérénité de notre travail.

Nous avons retrouvé pratiquement le même volume de dates. La plupart des producteurs que nous avions l’habitude d’accueillir sont revenus, à l’exception de certains internationaux - les Européens ont repris du service par exemple. 

Le public est présent, nous sommes globalement mieux lotis que bien des salles de province, notamment parce que le public francilien est dense. Je ne crois pas non plus que le pass sanitaire nous ait été dommageable - les gens qui sortent sont là justement pour sortir, pas pour exprimer leur mécontentement. Je veux aussi croire en une certaine bienveillance et responsabilité du public en matière de protocole sanitaire, même s’il est utopique de s’imaginer que les gestes-barrières sont compatibles avec toutes les situations de concert et toutes les esthétiques musicales (soirée club, hip hop, etc). Notre activité est potentiellement à risque, c’est une réalité. 

Pour autant, il faut défendre doublement chaque date programmée, ce nouveau comportement « à la dernière minute » que le public a adopté nous prive de visibilité, ce qui n’aide pas à la stabilité de notre activité, ni à la sérénité de notre travail. La billetterie décolle parfois sur les dernières 48 heures.