Streaming : la plateforme de jazz et de classique Vialma mise sur le Pass Culture
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
Lancée en 2015 dans le classique, puis dans le jazz il y a deux ans, la plateforme de streaming Vialma est un espace en ligne privilégié pour des esthétiques musicales souvent isolées. Son fondateur Guillaume Descottes voit dans le Pass Culture une opportunité de renouveler leurs publics.
À quel besoin répondait la création de Vialma ?
En cumulant toutes nos activités et nos abonnés, nous comptabilisons 100 000 auditeurs par mois.
Il y a certes une offre abondante aujourd’hui en musique streamée, et parfois très spécialisée, notamment avec les playlists Youtube. Il y a aussi 30 millions de mélomanes en Europe selon les statistiques, c’est-à-dire des gens qui achètent de la musique, pas seulement des auditeurs gratuits de radio ou de streaming. Parmi ceux-là, seulement 5 millions sont abonnés à un service de streaming. Malgré tout cela, il n’existait pas de marque forte qui revendique des musiques comme le classique et le jazz (c’est aussi le cas, dans une autre mesure, pour l’électro) et ne se contente pas de récupérer autant de catalogue que possible pour de mettre un simple bouton « play » dessus. C’est ce que nous voulons faire avec Vialma, ainsi qu’un espace d’échange entre passionnés.
Quel est l’audience de votre plateforme et son business model ?
Nous fonctionnons par abonnement mensuel : à 9,90 €, l’abonné a accès à tous nos contenus audio mais aussi vidéo dans les deux styles, et pour 5,90 € il peut avoir accès à notre catalogue audio seulement, en jazz ou en classique selon son choix. Nous travaillons aussi pour des institutions qui ont besoin de nos services de streaming, telles que l’Opéra de Paris, le Festival d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), des musées ou même des banques. Il s’agit parfois d’un simple service que nous fournissons en marque blanche.
En cumulant toutes ces activités et nos abonnés, nous comptabilisons 100 000 auditeurs par mois, c’est-à-dire le streaming au moins une fois un de nos contenus.
Le Pass Culture comptabilise maintenant 700 000 usagers, comment votre offre peut-elle se positionner sur ce support ?
C’est un outil qui a beaucoup d’avantages. Tout d’abord, son lancement en deux temps, d’abord sur quelques départements puis sur tout le territoire, a permis de le tester et de l’affiner pour être au plus proche des usages de cette génération - et cet affinage se poursuivra probablement. Ensuite, il y a un équilibre intéressant entre activités digitales et activités locales de proximité. Il est possible d’y trouver à la fois des plateformes mais aussi d’aller acheter des livres dans une librairie indépendante, voir un film dans un petit cinéma, etc.
Il faut que les plateformes présentes sur le Pass Culture fassent un effort marketing.
Se positionner sur l’offre du Pass Culture nécessitera à la fois d’affiner notre contenu - des playlists adaptées par exemple - et de mettre les moyens en marketing pour donner une identité à notre page. Par ailleurs, le Pass Culture, c’est l’État qui parle à des jeunes, ça ne sera jamais aussi sexy que Beyoncé qui créerait une plateforme pour que son public aille dans des cinémas indépendants ou autres. Il faut donc faire un effort marketing, et ce n’est plus à l’État de le faire, mais aux entités présentes sur l’application.
Comment jaugez-vous l’intérêt du jeune public pour des genres comme le classique et le jazz ?
Il y en a un, il est fort, même si ce n’est pas un tsunami. Nous remarquons qu’il y a un champ pour les playlists de jazz ou de classique en période de révision par exemple. Au Royaume-Uni, Classic FM, station spécialisée en classique, s’est hissée parmi les plus écoutées par les 30-35 ans - ce n’est pas le même segment d’auditeurs, mais c’est intéressant. La difficulté principale dans un pays comme la France est la place faite à la musique dans l’enseignement. Il est prouvé que les gens qui écoutent du classique ont pratiqué d’un instrument, ce qui est davantage le cas à l’étranger que chez nous.
Enfin, notre offre doit s’adapter, parler plus facilement. Il existe une certaine orthodoxie chez certains dans le classique par exemple, qui ne veulent pas renoncer à couper le classique de son contexte, et restent dans une logique de patrimoine. Je pense pour ma part que nous devons vivre avec notre temps - comme bien des compositeurs de classique l’ont fait, du baroque à Satie - et trouver une approche plus souple pour enfin toucher un public jeune, ce que nous désespérons de faire.