Production

Patrimoine : à Marseille, la restauration d’un fort par les apprentis en réinsertion d’Acta Vista

Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition

Basée à Marseille, l’association Acta Vista, qui fête cette année ses 20 ans, œuvre à la réinsertion professionnelle via de gros chantiers de rénovation du patrimoine. Son projet-phare depuis 2003, le Fort d’Entrecasteaux (Marseille 7e), connait enfin ses premiers moments d’ouverture, annonçant un lieu en devenir, la Citadelle, que préfigurent aujourd’hui Paquerette Demotes-Mainard, directrice, et Mathilde Rubinstein, coordinatrice.

Le Fort possède cinq hectares de jardin.  - © JC Verchere
Le Fort possède cinq hectares de jardin. - © JC Verchere

Comment se montent les chantiers pilotés par Acta Vista ? 

Tout propriétaire public peut faire appel à nous : des gestionnaires de sites de type « grands domaines nationaux », le Centre des Monuments Nationaux, les collectivités territoriales, le Ministère de la Culture, les DRAC, notre réseau, etc. D’autres initiatives pratiquent la rénovation du patrimoine avec du public en réinsertion, mais cela concerne généralement du patrimoine vernaculaire. Nous sommes les seuls à entreprendre des chantiers de grande ampleur, notamment sur des monuments classés. 

Selon les cas, le financement se monte avec la participation de plusieurs acteurs : l’état prend en charge une grande partie des salaires, le conseil départemental intervient sur le recrutement des bénéficiaires du RSA, la Région investit également. Des mécènes privés participent également selon la nature des chantiers. Le recrutement se fait quant à lui à travers un réseau comprenant les services publics de l’emploi, des missions locales, des associations, l’École de la Deuxième Chance et des centres de demandeurs d’asile.

Quels publics interviennent sur vos chantiers et selon quelles modalités ? 

C’est très divers : il s’agit de toute personne entre 18 et 65 ans connaissant, pour une raison ou une autre, une difficulté d’accès à l’emploi et à la formation. Nous comptons une cinquantaine de nationalités et des profils d’horizons variés. 

80 % des apprentis retrouvent le chemin du travail après un de nos chantiers.

Chaque apprenti s’engage dans un programme d’un an, dans l’objectif d’une certification, même s’il ne se destine pas à travailler dans le bâtiment après notre chantier. Il travaille dès les premiers jours sur le chantier, à raison de 35 heures par semaine, et alterne entre travail régulier et plateau pédagogique en vue d’une préparation à la qualification. Le titre professionnel visé est de catégorie 3, et il est décerné par l’organisme AFPA. Un chantier, comme celui du Fort d’Entrecasteaux, peut réunir jusqu’à 100 apprentis, répartis en modules de 12. 

Les retombées sociales sont encourageantes. Pendant longtemps, deux salariés sur trois retrouvaient le chemin de l’emploi après un de nos chantiers. Désormais ils sont plus de 8 sur 10 à le faire. 90 % d’entre eux se qualifient avec nous, alors qu’ils sont 70 % à n’avoir aucun diplôme à l’origine. 

Quels sont les chantiers emblématiques portés par Acta Vista ?

L’Hôpital Caroline sur l’Île du Frioul (Marseille 7e) a fait l’objet d’un chantier d’une dizaine d’années. Acta Vista a aussi géré la rénovation du Château de Port-Miou à Cassis (Bouches-du-Rhône) et de la Batterie de la Cride à Sanary-sur-Mer (Var). Nous élargissons aussi nos horizons en essaimant sur d’autres territoires, comme le Centre Val de Loire ou l’Occitanie. 

Des apprentis sur le chantier du Fort d’Entrecasteaux. - © JC Verchere
Des apprentis sur le chantier du Fort d’Entrecasteaux. - © JC Verchere

Que projetez-vous sur le site d’Entrecasteaux ?

Il s’agit d’un site militaire, l’armée l’a confié à l’association dès 2003, avant que la Ville n’en récupère la propriété en 2010 et constitue une identité associative à part, la Citadelle, nous désignant, avec le Groupe SOS dont nous faisons partie, comme gestionnaires du site. Ses espaces intérieurs n’offrent pas une grande capacité d’accueil du public du fait de leur structure et de la pierre, mais peuvent abriter bien des activités. Ses jardins s’étalent en revanche sur 5 hectares. 

En janvier, une concertation publique auprès des Marseillais, lancée dès signature du bail, a fait remonter plusieurs envies : celle d’un lieu de vie du quotidien, destiné à tous les publics, mais aussi de création et de patrimoine, qui porte les témoignages inscrits dans les murs de la Citadelle. Pour l’instant, le financement du projet est encore à l’étude : il s’agit surtout de ne pas perdre d’argent plus que d’en gagner, et de travailler avec le secteur de l’économie sociale et solidaire, avec un apport en recettes venant de la billetterie et de la privatisation, notamment pour des tournages. Le lieu devrait également accueillir des résidences d’artistes, que nous organiserons avec des acteurs culturels locaux. 

Jusqu’en 2024, le lieu connaîtra quelques moments d’ouverture. Cela vient de commencer avec une programmation du festival du Jazz des Cinq Continents ainsi qu’un concert des musiciens de l’équipe du chantier pour la fête de la musique. À l’occasion des journées du patrimoine en septembre 2022, nous organisons une semaine thématique pour déployer tous les volets du projet. À partir de 2024, nous ouvrirons progressivement différents espaces, en commençant par les jardins. Il faut cependant garder en tête que le site nécessite encore 10 à 15 ans de travaux.