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Scène conventionnée : le Théâtre Brétigny crée un média par et pour les jeunes

Par Thomas Corlin | Le | Médiation

Au Théâtre Brétigny (Brétigny-sur-Orge, Essonne), des jeunes conçoivent leur propre média avec une journaliste et une artiste. Le projet se déploie pendant la fermeture de la scène conventionnée (arts et humanités), pendant que la saison suivante se construit sur le fil de la pandémie, d’après Sophie Mugnier, directrice, et Prune Sendin, responsable enfance, jeunesse, famille.

Un weekend de spectacle en extérieur lors l’ouverture de la saison du Théâtre de Bretigny. - © D.R.
Un weekend de spectacle en extérieur lors l’ouverture de la saison du Théâtre de Bretigny. - © D.R.

En période de fermeture, le Théâtre Brétigny se concentre sur un projet de média dont les jeunes sont aux manettes. Comment la scène conventionnée se déploie-t-elle et avec quels moyens ? 

Prune Sendin : C’est un projet de longue date qui se déploie par chance à ce moment-là, avec un budget déjà alloué. Il sera diffusé sur une chaîne YouTube, et le premier épisode est prévu en fin de saison. Il ne lui reste qu'à être nommé, et ce nom viendra des jeunes eux-mêmes, qui en sont les acteurs principaux. J’ai invité la journaliste Léa Scherer et l’artiste Irvin Anneix à l’encadrer.

Nous aurions pu croire que la jeunesse, très connectée, n’aurait pas été la plus affectée par la crise, mais pourtant elle l’est. Avec la directrice du théâtre, nous sommes parties du constat que c'était une génération caractérisée par une superposition entre le virtuel et le réel, comme deux espaces coexistants sans lesquels ils ne peuvent vivre pleinement.

Leur premier souhait a été d’aller à la rencontre des gens.

En tant que scène conventionnée, nous avons jugé que cela pouvait être notre rôle de les rendre acteur d’un média dont ils devraient trouver le langage et les modalités d’action, en puisant dans les technologies courantes (vidéo, réseaux, etc). Leur premier souhait a été d’aller à la rencontre des gens, de personnalités ayant transformé l’histoire de leur territoire, etc. Les établissements scolaires étant restés ouverts, nous avons pu mener ces activités en présentiel. Avec l’aide d’enseignants, ils ont fait des recherches sur l’histoire de la ville dans ses archives, ou visité sa base aérienne. Le travail se fait en groupe, réparti selon des problématiques qui leur sont propres. 

Quelles autres activités avez-vous pu maintenir malgré la fermeture prolongée du théâtre Brétigny ? 

Sophie Mugnier :  Le théâtre a offert ses espaces tant que possible à des compagnies qui en avaient besoin. Les réseaux nous ont mis en relation, et nous avons privilégié celles qui étaient en difficulté, comme cette compagnie privée de son temps de résidence en Belgique par la pandémie. 

Le travail de communication a continué. La plaquette est malgré tout sortie, et nous envoyons toujours des bandes dessinées à nos contacts, pour lesquelles nous passons des commandes. Marion Montaigne nous a par exemple cédé les droits pour diffuser des extraits de son ouvrage « Dans la Combinaison de Thomas Pesquet ». Nous avons aussi appelé nos abonnés en début d’année, ne serait-ce que pour prendre de leurs nouvelles, ce qui poursuit ce que nous considérons comme une des missions de proximité d’une scène conventionnée. 

Le « cycle » de programmation en cours au Théâtre de Brétigny.  - © D.R.
Le « cycle » de programmation en cours au Théâtre de Brétigny. - © D.R.

Quel type de programmation avez-vous proposé pendant les temps d’ouverture ? 

Sophie Mugnier : Nous avons profité de l’aide de la DRAC pour proposer un « été culturel ». Cela a donné lieu à une tournée de spectacles dans les agglomérations du cœur d’Essonne, au pied des cités comme dans le réseau des médiathèques. Nous avons notamment programmé un artiste en résidence chez nous, qui a proposé un spectacle participatif de slam. Tout ceci s’est monté très spontanément, avec un désir d’essayer de nouvelles choses. 

En septembre, la saison a pu se lancer avec un weekend de spectacles gratuits sur notre parvis, qui a révélé un grand appétit du public, et deux autres spectacles, dont un avec 25 danseurs au plateau, et un solo sous une yourte qui se jouait par deux séances pour 30 spectateurs chacune. 

Quelle est votre approche pour la reprise ? 

Sophie Mugnier : Quatre, voire cinq calendriers ont déjà été établis pour la saison 2021-2022. Il s’agit de donner une vie à des créations qui risquent de ne plus tourner ou n’ont jamais rencontré le public, sans mettre en difficulté des artistes avec lesquels nous avons des engagements. 

Notre scène conventionnée fonctionne en cinq cycles thématiques par saison, et nous ne voulons pas sacrifier ce découpage. Nous ne proposons pas un catalogue de spectacles, mais une narration qui se déroule sur toute l’année. Même si les difficultés de calendrier sont énormes, je veux tout faire pour ne pas renoncer à la pertinence de notre propos. Cela nous mène à des situations qui ne sont pas toujours idéales pour les artistes, à des choix radicaux, mais hélas il y aura toujours un perdant quelque soit la décision. 

Nous nous devons d’agir dans les interstices autorisés sans perdre le sens.

Pour la réouverture, nous aimerions marquer le coup, montrer notre générosité, ne pas rempiler comme si de rien n'était, mais plutôt prendre acte de ce qui s’est passé. Dans ces conditions, nous n’avons pas mille possibilités, mais nous nous devons d’agir dans les interstices autorisés sans perdre le sens. Ce moment nous interroge sur les missions d’une scène conventionnée, et sur son fonctionnement. Comment arrêter la surproduction ? Comment changer les critères quantitatifs ? Comment engager un changement artistique en même temps qu'écologique ? En tant que membre de la commission d’experts de la DRAC Île-de-France, ce sont des problématiques que je voudrais voir traitées dans cette période.