Ventes, finances

Billetterie : unifier et soutenir le spectacle vivant grâce à BAM-Ticket

Par Thomas Corlin | Le | Billetterie, data

Soutenir la création théâtrale et renouveler le public dans la salle grâce à une plateforme de billetterie vertueuse ? C’est ce que projette Charlotte Rondelez, anciennement à la tête du Théâtre de Poche Montparnasse (Paris 6e), en lançant le 1er septembre BAM-Ticket, sur un modèle mêlant privé, public et économie sociale et solidaire.

BAM-Ticket sera dans un premier temps un site « mobile-responsive ». - © D.R.
BAM-Ticket sera dans un premier temps un site « mobile-responsive ». - © D.R.

Quel constat a inspiré ce projet de plateforme ?

Sur 100 spectateurs potentiellement intéressés par le spectacle vivant, seuls 20 se rendent en salle, et c’est ce chiffre que nous aimerions changer.

L'économie du théâtre privé (et pas seulement) s’est raidie d’année en année, privant toujours plus les producteurs et les compagnies de moyens et ainsi de liberté de création. La fréquentation en général et le montant du ticket moyen sont insuffisants et, malgré l’outil numérique, les frais de communication explosent. Chaque producteur agissant seul,  la concurrence s’intensifie. Le producteur indépendant est fragilisé, les budgets de création s’amoindrissent et il y a ainsi un vrai risque pour la diversité de création. 

En parallèle, la pandémie a précipité des dynamiques délétères dans le public : une génération quitte les salles et la relève n’est pas assurée. Le spectateur moyen a plus de 40 ans, mais où sont celles et ceux qui les remplaceront demain ? Il est notable que de nombreux spectateurs s’arrêtent de sortir au théâtre quand ils ont un enfant, et s’y remettent après, mais cela n’arrive que lorsque l’habitude a déjà été prise en amont - personne ne s’est soudainement mis à fréquenter les théâtres à 40 ans. Nous pensons qu’il est possible d’attirer des spectateurs plus nombreux et plus jeunes dans nos salles par un système de recommandation, de parcours pertinents et adaptés aux nouveaux usages. L’action scolaire travaille à initier les élèves puis les étudiants au théâtre, mais comment les faire rester une fois qu’ils sont sortis du circuit scolaire ? Une étude prouve que sur 100 spectateurs potentiellement intéressés par le spectacle vivant, seuls 20 se rendent en salle, et c’est ce chiffre que nous aimerions changer. 

Comment BAM-Ticket pourrait répondre à ces problématiques ? 

Nous travaillons à un système d'éditorialisation qui accompagnera les spectateurs dans un parcours progressif et cohérent, afin de développer leur appétence pour le spectacle vivant. Les avis seront certifiés, une fonctionnalité de géolocalisation sera disponible, et nous voudrions également mêler les programmations de lieux publics et privés au gré des partenariats, tisser des liens entre les lignes de programmation. Nous envisageons aussi des collaborations avec les médias pour développer des contenus éditoriaux.

L’activité commerciale de BAM Ticket ne vise pas au profit de l’entreprise elle-même, mais au reversement des bénéfices en direction de  la filière culturelle. Celles-ci financeront à la fois des opérations d'éducation artistique, un pôle de compétences marketing et numérique au service des théâtres et des compagnies, mais aussi les producteurs eux-mêmes sous la forme de rétrocommissions. 

Comment fonctionnera la plateforme et quelle est l’ampleur de son lancement cette rentrée ? 

Ce lancement au 1er septembre est une première étape qui portera sur Paris, où nous représentons 80 % des sièges des théâtres privés et déjà quelques structures du théâtre public.

BAM Ticket est pour l’instant un site internet « mobile-responsive », car nous voulons être avant tout repérés lors des recherches des spectateurs. Une fois que des habitudes seront établies sur une partie des spectateurs, nous développerons une application. 

Sur quel modèle économique vous basez-vous ?

La Banque des Territoires, la BPI et la Région Île-de-France nous accompagnent, tout comme l’ASTP.et les syndicats de la filière - SNDTP et SNES.

Notre modèle est proche de celui d’une SCIC : tous nos actionnaires (pour l’instant une trentaine de producteurs) participent à la construction de l’outil, qui est également accessible à ceux qui sont simplement partenaires. Je réalise actuellement une autre levée de fonds auprès de la filière. Tout est encadré, des salaires jusqu'à l’usage des outils - nous voulons nous positionner comme un intermédiaire transparent, en valeur, en données et en savoir-faire.

La nécessité d’un tel outil pour la filière du spectacle vivant nous a permis de solliciter le soutien d’institutions publiques, qui nous ont accordé des aides sous forme de subventions ou prêts avantageux, qui accompagneront la phase d’amorçage.

J’ai pour ma part mobilisé d’anciennes connaissances de l’Essec, l'école de commerce dans laquelle j’avais étudié avant de me lancer dans le théâtre, afin de déterminer la faisabilité de cette opération. C’est, pour le reste, mon expérience en tant que co-directrice du Théâtre de Poche Montparnasse (Paris 6e), et productrice, une bonne équipe et de très bons partenaires et prestataires qui m’ont guidée. 

Quelles collaborations imaginez-vous avec des théâtres publics, qui ont déjà leur propre billetterie ? 

Sur certains spectacles, les théâtres publics travaillent déjà avec des billetteries externes, c’est le cas par exemple de l’Odéon, ce n’est donc pas irréaliste. Ensuite, les datas (dans le respect des RGPD, naturellement) peuvent intéresser ces lieux, qui ne savent jamais ce que leurs spectateurs vont voir hors de leurs salles. Ensuite, nous pourrions les aider à diversifier leur public et développer la sortie culturelle pour l’ensemble de la population, sur l’ensemble du territoire.