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Formation : la Petite, l’incubateur de carrières féministe

Par Thomas Corlin | Le | Rh, formation, intermittence

Si l’insertion professionnelle des femmes et des personnes non-genrées est déjà encadrée par certains programmes en France, aucun ne veille à leur maintien. L’association toulousaine La Petite (Haute-Garonne), à la fois organisme de formation et unité de programmation musicale, lance un incubateur pour pallier ce manque que signalent depuis longtemps les statistiques, d’après Anne-Lise Vinciguerra.

Le programme contient un suivi individuel ou collectif.  - © Julie Sistenich-Feeligrans
Le programme contient un suivi individuel ou collectif. - © Julie Sistenich-Feeligrans

Sur quelle impulsion s’est monté votre incubateur ?

Les statistiques montrent que dans le secteur des industries créatives et culturelles (auxquelles nous intégrons l’architecture et l’administration), à partir de 30 ans, une partie des femmes décrochent professionnellement. Plusieurs raisons à cela : la maternité (rappelons que les femmes consacrent en moyenne 14 heures hebdomadaires de plus que les hommes aux enfants), mais aussi un manque d’accès aux postes à responsabilité correspondant à leur âge et à leur évolution de carrière, du fait d’une cooptation masculine toujours très forte. 

Les grandes entreprises, comme celles du CAC40 notamment, doivent légalement respecter la parité entre femmes et hommes, et les effets en sont enfin visibles. Or, le secteur des ICC consiste principalement en de petites structures (PME, TPE, micro-entreprises) qui ne sont pas soumises à ces lois, n’ont le plus souvent pas de département des ressources humaines et sont de fait massivement dirigées par des hommes (à raison de 70 à 80 %).

Ce contraste est d’autant plus saisissant quand l’on sait que 65 % des étudiants en écoles d’art sont des femmes, mais que, par exemple, seules 2 % des artistes récompensés sont des femmes. Aujourd’hui, 80 % des moyens de production sont alloués à des projets dirigés par des hommes. 

Quel accompagnement propose la Petite pour infléchir ces tendances ?

Depuis 2016, en plus de ses activités de programmation musicale ou artistique, la Petite s’est constituée en organisme de formation. Nous nous sommes d’abord intéressées à l’insertion professionnelle des femmes, femmes trans et personnes non-binaires, et avons déjà accompagné cinq promotions d’une douzaine de personnes chacune grâce, entre autres, à des levées de fonds. Ce programme comprend : management féministe, estime de soi, prévention des violences sexistes, etc. Des webinaires sont aussi accessibles à tous sur ces thématiques. Il existe désormais plusieurs dispositifs de ce type, mais rien qui ne porte réellement sur le maintien à l’emploi de ce public-là.

À partir de 30 ans, une partie des femmes décrochent professionnellement.

C’est là qu’intervient notre incubateur, qui s’adresse à des individus travaillant déjà au moins à mi-temps dans les ICC en Région Occitanie. Il s’agit d’aider des femmes, femmes trans ou personnes non-binaires déjà insérées professionnellement - ce qui peut donc concerner des âges divers, puisqu’une personne de 25 ans peut déjà avoir enchaîné les contrats depuis des années.

L’incubateur encadre douze personnes à la fois sur neuf mois, soit de façon collective dans le cas de la formation à la création d’entreprise, soit individuelle avec une spécialiste de l’entrepreneuriat féminin, et propose un mentorat personnel. Le programme ne dispose pas encore d’un lieu en particulier, mais un partenariat avec le tiers lieu, la Halle Tropisme à Montpellier (Hérault) est monté, et celui-ci peut offrir un atelier selon la nature du projet défendu.

La Petite est référencée par l’AFDAS. - © Julie Sistenich-Feeligrans
La Petite est référencée par l’AFDAS. - © Julie Sistenich-Feeligrans

Comment se finance cet incubateur ?

L’ensemble de la structure est soutenu par la Ville, la Région, le Département, l'État (pas encore sur l’incubateur cependant), le Centre National de la Musique et la Fondation Chanel. Elle fait travailler quatre ETP sur une douzaine de collaborateurs. 

Quelles sont ses autres activités ? 

Nous avons formé près de 12 000 pros de la culture sur la prévention contre les violences sexuelles et sexistes, et sommes donc référencés par l’AFDAS pour intervenir sur les cinq axes que le Ministère de la Culture a intégré à ses conventions pour renforcer son action à ce sujet. 

La Petite programme des événements et festivals musicaux depuis 2004 (notamment Girls Don’t Cry), dans divers lieux atypiques de la Région. Les plateaux sont entièrement constitués de femmes et personnes trans ou non-binaires, en réponse à un constat, encore très répandu dans les musiques actuelles il y a encore dx ans, selon lequel « il n’est pas possible de programmer des femmes musiciennes, parce qu’il n’y en a presque pas. » Il suffit pourtant de se pencher sur la question pour voir qu’il y en a beaucoup. Notre prochain événement se tiendra le 14 février prochain. Enfin, la Petite est un média, principalement sur les réseaux sociaux, suivi par 20 000 personnes.